Suppression de deux jours fériés en 2025 : le gouvernement détaille son plan pour booster la production

Alors que la rentrée politique s’annonce tendue, le gouvernement trace une ligne claire : relancer l’économie sans alourdir la charge salariale. À l’aube d’un plan budgétaire ambitieux, le premier ministre envoie un signal fort aux partenaires sociaux en confirmant l’intention de supprimer deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8-Mai, au profit d’une journée de travail supplémentaire. Une décision qui ne se limite pas à une simple mesure d’ajustement calendaire, mais qui s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation du temps de travail, de financement de l’action publique et de responsabilisation des entreprises. Derrière les chiffres et les débats institutionnels, c’est tout un équilibre social, économique et symbolique qui est mis à l’épreuve.

Quelle est la mesure exacte et pourquoi ces deux jours fériés ?

La lettre envoyée aux partenaires sociaux le vendredi 9 août ne laisse aucune place à l’ambiguïté : deux jours fériés seront retirés du calendrier national, à compter de 2026. Il s’agit du lundi de Pâques et du 8-Mai, jour de la victoire de 1945. Contrairement à d’autres jours chômés, ces deux dates ne bénéficieraient pas d’un ancrage culturel ou religieux incontournable, selon le gouvernement. Le premier ministre insiste sur le fait que le lundi de Pâques, bien que largement observé dans le monde, n’a « aucune signification religieuse intrinsèque en France », une affirmation qui a suscité des réactions dans les milieux confessionnels. Quant au 8-Mai, son caractère commémoratif ne serait pas remis en cause, mais son statut de jour chômé, si.

L’objectif est double : augmenter le nombre de jours travaillés dans l’année et générer des recettes pour les finances publiques. Les salariés, du privé comme du public, devront donc travailler ces deux jours sans bénéficier d’une augmentation de salaire. En revanche, les employeurs du secteur privé seront tenus de verser une contribution spécifique, calquée sur le modèle existant du lundi de Pentecôte, dont le produit est déjà affecté au budget de l’État. Cette contribution, encadrée par la loi, devrait rapporter environ 4,2 milliards d’euros dès la première année d’application, un montant considérable dans un contexte de maîtrise budgétaire.

Comment les partenaires sociaux sont-ils impliqués ?

Le gouvernement ne prend pas cette décision seul. En application de l’article 1er du code du travail, il lance une séquence de concertation nationale et interprofessionnelle. Un document d’orientation a été transmis aux organisations syndicales et patronales, fixant les contours de la négociation. Ce cadre vise à éviter les dérives, les interprétations floues ou les contournements par branche ou par entreprise.

Les partenaires sociaux doivent indiquer avant le 1er septembre s’ils souhaitent entrer en négociation. Si oui, les discussions devront aboutir à un accord avant le 30 septembre. Les thèmes abordés seront précis : articulation des temps de travail, modalités de la contribution patronale, éventuelles compensations pour les salariés – notamment dans les secteurs où le travail dominical ou les week-ends est déjà fréquent. Le gouvernement laisse entendre que le choix des deux jours pourrait être ajusté, à la marge, si un consensus se dégageait autour d’autres dates.

Le dialogue social prend ici tout son sens. Pour Élodie Renard, négociatrice à la Confédération générale du travail (CGT), « ce n’est pas une simple question de calendrier, mais de justice sociale. On demande aux salariés de travailler plus sans contrepartie directe, tandis que les employeurs paient une contribution symbolique. Où est l’équité ? ». À l’opposé, Sébastien Vasseur, représentant du Medef, estime que « cette mesure, bien encadrée, peut être un levier pour améliorer la compétitivité. Le problème, c’est qu’elle doit s’appliquer à tous, sans dérogations massives, sinon elle perd tout son sens ».

Quel est le calendrier et les étapes clés ?

Le gouvernement impose un rythme soutenu. D’ici au 1er septembre, les organisations doivent se positionner. Entre cette date et le 30 septembre, les négociations s’engageront. Si aucun accord n’est trouvé, le gouvernement pourrait alors prendre une ordonnance ou soumettre un projet de loi au Parlement, comme l’a rappelé Matignon.

L’objectif est clair : que la mesure soit opérationnelle dès 2026. Le dispositif doit être simple, applicable rapidement, et doté de règles communes. Le premier ministre, François Bayrou, a insisté sur cette nécessité de « rapidité et de lisibilité » lors de la présentation du plan budgétaire le 15 juillet. Il a d’ailleurs laissé entendre que d’autres jours fériés pourraient être examinés à l’avenir, mais que pour l’instant, la priorité était sur ces deux-là.

Le calendrier serré n’est pas sans poser de questions. Pour Camille Fournier, conseillère en ressources humaines dans une grande entreprise du secteur agroalimentaire, « les DRH ont besoin de temps pour anticiper les changements. Modifier deux jours fériés en moins de douze mois, c’est faisable, mais cela suppose une communication très claire en interne, et une adaptation des plannings, surtout dans les industries à forte intensité horaire ».

Quels sont les enjeux historiques et territoriaux ?

Le 8-Mai n’a pas toujours été férié. Institué comme journée de commémoration en 1946, il devient chômé en 1953, puis perd ce statut entre 1959 et 1981, sous les présidences de De Gaulle, Pompidou et Giscard d’Estaing. Ce n’est qu’en 1981, avec l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée, qu’il retrouve son caractère férié, dans un contexte de réaffirmation de la mémoire de la Résistance et de la Libération. Cette décision avait alors été perçue comme un acte politique fort, inscrivant la mémoire nationale dans le quotidien des Français.

Supprimer ce jour férié aujourd’hui, c’est donc rouvrir un débat symbolique. Pour certains, comme le philosophe Antoine Lefebvre, « on ne touche pas à la mémoire comme à un simple levier budgétaire. Le 8-Mai, c’est plus qu’un jour de repos : c’est un moment de recueillement, de transmission intergénérationnelle. Le risque, c’est de banaliser l’histoire au nom de l’efficacité économique ».

Le gouvernement prévoit toutefois des exceptions. L’Alsace, la Moselle et Saint-Pierre-et-Miquelon, régions où la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État ne s’applique pas pleinement, pourraient conserver des spécificités. Ces territoires ont déjà des jours fériés supplémentaires (comme le 26 décembre ou l’Assomption). Matignon insiste sur le fait que ces dérogations resteront limitées, afin d’éviter un « émiettement » du calendrier national.

Quels sont les impacts sur l’organisation du travail et les finances publiques ?

Le gain attendu de 4,2 milliards d’euros provient presque exclusivement du secteur privé, via la contribution patronale. Ce montant sera intégralement affecté au budget de l’État, sans être reversé aux salariés. Le gouvernement justifie cette approche par la nécessité de financer des politiques publiques essentielles – éducation, santé, transition écologique – sans augmenter les impôts.

Pour les entreprises, cela signifie deux jours de production supplémentaires par an, sans surcoût salarial direct. Dans des secteurs comme l’industrie, la logistique ou les services, cela peut représenter une amélioration notable de la productivité. Mais pour les salariés, c’est une journée de repos en moins. Certains redoutent un effet d’érosion sur le temps de vie personnelle.

Le débat touche aussi à la qualité du travail. À Lyon, Mélanie Dubois, infirmière en réanimation, témoigne : « On travaille déjà 35 heures, mais en pratique, on fait souvent plus. Si on supprime deux jours fériés, je ne vois pas comment on pourrait maintenir notre équilibre. On parle de fatigue, de turnover, de pénurie de soignants. Ce n’est pas une question de productivité, c’est une question de santé publique. »

À l’inverse, Julien Mercier, patron d’une PME de menuiserie à Nantes, voit d’un bon œil cette mesure : « On a du mal à honorer les commandes en été, quand tout le monde part en vacances. Deux jours de plus, c’est de la trésorerie en plus, et surtout, c’est de la continuité. Si les clients sont prêts à payer pour des prestations ce jour-là, pourquoi ne pas travailler ? »

Quel équilibre entre efficacité économique et repères collectifs ?

Le cœur du débat réside là : peut-on sacrifier des repères collectifs au nom de la croissance ? Les jours fériés ne sont pas seulement des interruptions de travail. Ils structurent le rythme de l’année, rythment les vacances scolaires, organisent les rassemblements familiaux, et parfois, comme pour le 8-Mai, entretiennent la mémoire nationale.

Le gouvernement affirme vouloir « concilier rendement, repères et sécurité juridique ». Mais cette formule, aussi habile soit-elle, ne masque pas la tension entre des priorités parfois contradictoires. D’ici au 30 septembre, les partenaires sociaux devront trancher : faut-il travailler plus pour produire davantage, ou préserver ces moments de pause qui font aussi la cohésion sociale ?

Le choix du lundi de Pâques, en particulier, interroge. Bien que le gouvernement le déclare « sans signification religieuse », il reste ancré dans la tradition chrétienne et est férié dans plus de 120 pays. Pour le pasteur Étienne Clément, de l’Église protestante unie de France, « on ne peut pas ignorer la dimension spirituelle de certaines dates. Elles appartiennent à notre patrimoine culturel, même pour les non-croyants. Les supprimer, c’est effacer une partie de ce qui fait la France ».

A retenir

Quels jours fériés sont concernés par la suppression ?

Le lundi de Pâques et le 8-Mai sont les deux jours visés par la mesure. Le gouvernement justifie ce choix par leur position dans des périodes de forte activité économique et leur caractère moins ancré dans les usages sociaux que d’autres jours fériés.

Les salariés seront-ils mieux payés ?

Non. Les salariés devront travailler ces deux jours sans augmentation de salaire. En revanche, les employeurs du secteur privé devront verser une contribution financière au budget de l’État, sur le modèle du lundi de Pentecôte.

Quel est le gain attendu pour les finances publiques ?

Le gouvernement table sur un rendement de 4,2 milliards d’euros dès 2026, principalement alimenté par les entreprises du secteur privé.

Y aura-t-il des négociations ?

Oui. Une séquence de concertation nationale et interprofessionnelle est lancée. Les partenaires sociaux doivent indiquer leur volonté de négocier avant le 1er septembre, et les discussions doivent aboutir avant le 30 septembre.

Qu’en est-il des régions comme l’Alsace ou la Moselle ?

Ces territoires, en raison de leur statut particulier, pourraient bénéficier de dérogations. Toutefois, le gouvernement souhaite éviter un système trop fragmenté, afin de préserver la lisibilité du calendrier national.