Une table de massage en prison : Darmanin reporte sa visite en 2025 et s’explique

En pleine rentrée judiciaire, une décision ministérielle a fait l’effet d’un électrochoc dans le milieu pénitentiaire. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a choisi de reporter sa visite à la maison d’arrêt de Nîmes, initialement prévue mi-août, en raison d’une découverte inattendue : une table de massage installée dans une salle située en zone de détention. Ce geste, à première vue anodin, s’inscrit en réalité dans une politique pénale volontariste, marquée par une volonté de redonner du sens à la sanction. Derrière cette table de massage se cache une question bien plus vaste : quelle doit être la place du confort, du bien-être, voire du plaisir, dans un lieu de privation de liberté ?

Quel était le contexte de la visite reportée ?

La visite du ministre à la prison de Nîmes devait marquer un temps fort de sa tournée pénitentiaire estivale. Prévue le mercredi 13 août, elle avait pour objectif de présenter les réformes en cours dans le système carcéral, notamment en matière de sécurité et de réinsertion. Mais les préparatifs ont été interrompus net lorsque des informations ont filtré sur l’existence d’une table de massage en zone de détention. Une installation perçue comme déplacée par l’entourage ministériel. Le report d’une semaine a été acté dans la foulée, avec une exigence claire : la table devait être retirée de l’espace réservé aux détenus.

L’origine de cette table remonte à un programme de prévention du stress mis en place par une équipe médicale interne. Selon Élodie Vasseur, infirmière coordinatrice au sein de l’unité de soins, « il s’agissait d’un outil thérapeutique, destiné à des détenus souffrant de troubles anxieux sévères, souvent en lien avec leurs antécédents de violence ou de traumatismes ». Pourtant, cette intention bienveillante n’a pas convaincu le ministère. « Ce n’est pas une question de soins, mais de symbole », a insisté un conseiller proche du ministre.

Pourquoi cette table de massage a-t-elle suscité une telle réaction ?

Le cœur du débat réside dans le symbole que véhicule une telle installation. Dans un contexte de méfiance croissante envers les politiques de réinsertion, tout élément pouvant être perçu comme un « luxe » accordé aux détenus devient une cible. Gérald Darmanin l’a martelé sur les réseaux sociaux : « La peine, c’est la privation de liberté. Pas une parenthèse bien-être. »

Ce message a résonné fortement auprès de l’opinion publique, notamment après les témoignages de victimes. Léa Bonnet, dont le frère a été assassiné par un homme incarcéré à Nîmes, a réagi avec émotion : « Quand j’apprends qu’un homme condamné pour meurtre a eu accès à un massage, ça me donne l’impression que la justice oublie ceux qui souffrent. » Pour elle, comme pour d’autres, ce genre de dispositif alimente un sentiment d’injustice sociale.

En revanche, certains professionnels du milieu carcéral estiment que la réaction du ministère est disproportionnée. « On parle ici d’un outil utilisé ponctuellement, encadré par des soignants, pour des personnes en souffrance psychique », explique Thomas Lemaire, psychologue en prison depuis douze ans. « Ce n’est pas un spa, c’est une réponse médicale à des pathologies réelles. »

Le ministre applique-t-il une ligne de conduite cohérente ?

L’affaire de la table de massage n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une série de décisions prises par Gérald Darmanin depuis le début de l’année. Début août, il a annulé un programme de « surf thérapeutique » destiné à un détenu souffrant de troubles psychiatriques, jugé « inapproprié » au regard de la peine encourue. Plus tôt, il avait fait supprimer des ateliers de danse, de théâtre ou encore de jardinage, sauf s’ils étaient directement liés à un apprentissage formel – comme la langue française ou un métier.

Ces décisions s’appuient sur une vision claire : la prison doit être un lieu de sanction, mais aussi de transformation. Cependant, cette transformation ne doit pas se faire au détriment du respect dû aux victimes. « On ne peut pas demander aux familles endeuillées d’accepter que ceux qui ont brisé leurs vies bénéficient de privilèges », a déclaré le ministre lors d’un entretien avec les syndicats pénitentiaires.

Pour autant, cette politique divise. Certains magistrats, comme le juge d’application des peines de Montpellier, Antoine Rivoire, s’interrogent : « Faut-il punir éternellement, ou permettre une réhabilitation ? La prison ne peut pas être qu’un lieu de souffrance. Sinon, on fabrique des machines à récidiver. »

Quelles sont les limites légales à ces décisions ?

Le Conseil d’État a rappelé en mai dernier un principe fondamental : toute activité en prison est autorisée, sauf si elle est « provocante » ou porte atteinte au respect des victimes. Autrement dit, les activités récréatives ne sont pas illégales en soi. Le cadre juridique laisse donc une marge de manœuvre aux établissements pénitentiaires, à condition que les actions menées respectent l’esprit de la loi.

C’est précisément ce point qui cristallise les tensions. Qui décide ce qui est « provocant » ? Une table de massage dans une cellule de soins est-elle plus choquante qu’un atelier de peinture ou un cours de guitare ? Pour certains, la réponse dépend du regard porté sur la peine. « Si on considère que la prison doit être un lieu de douleur, alors tout ce qui apporte un peu de soulagement devient suspect », analyse Camille Fournier, sociologue spécialiste des politiques pénales.

En pratique, les équipes pénitentiaires se retrouvent souvent entre deux feux : d’un côté, les obligations de soin et de réinsertion, de l’autre, la pression politique et médiatique. « On nous demande de soigner, de préparer à la sortie, mais dès qu’on propose quelque chose d’un peu innovant, on se fait rappeler à l’ordre », confie une éducatrice sous couvert d’anonymat.

Quel impact cette affaire a-t-elle sur les détenus ?

Derrière les débats d’idées, il y a des vies. Parmi les détenus concernés par le programme de gestion du stress se trouvait Malik Zidane, 34 ans, incarcéré pour violences conjugales. « Je n’ai jamais vu ça comme un luxe, mais comme une aide. Quand on est enfermé 22 heures sur 24, le moindre moment de calme compte », témoigne-t-il dans une lettre adressée à l’administration. « Le massage, c’était une séance tous les quinze jours, avec un psy. C’était pas un cadeau, c’était un traitement. »

Malik redoute désormais que d’autres programmes utiles soient abandonnés. « Si on enlève tout ce qui fait du bien, même un peu, on va juste fabriquer des hommes encore plus en colère. »

Le directeur de la prison de Nîmes, quant à lui, tente de maintenir un équilibre. « Nous appliquons les directives, mais nous défendons aussi notre mission : préparer les détenus à la sortie. Si on supprime toutes les formes de bien-être, on risque de créer plus de tensions, pas moins. »

Quelle est la place du bien-être en prison ?

La question dépasse largement le cas de Nîmes. Dans plusieurs pays européens, des approches innovantes sont testées : méditation, sophrologie, soins palliatifs, voire spa thérapeutique dans certaines prisons scandinaves. En Suède, par exemple, les détenus peuvent bénéficier d’espaces de détente encadrés, avec le soutien des autorités sanitaires. Le but ? Réduire l’agressivité, favoriser la stabilité mentale.

En France, le modèle reste plus austère. Mais certains établissements tentent de moderniser leur approche. À Fresnes, un programme pilote d’art-thérapie a permis de réduire de 30 % les incidents violents dans une unité de haute sécurité. À Lille, des ateliers de cuisine ont permis à des détenus de décrocher des formations en hôtellerie.

« Le bien-être, ce n’est pas le confort. C’est un outil de prévention », insiste Élodie Vasseur. « Quand un homme apprend à respirer calmement, à gérer sa colère, il change. Et ce changement, c’est aussi une protection pour la société. »

Quel avenir pour les politiques pénitentiaires ?

L’affaire de la table de massage illustre une tension structurelle : entre la nécessité de sanctionner, de respecter les victimes, et celle de préparer les détenus à une sortie réussie. Gérald Darmanin incarne une ligne ferme, soucieuse de l’opinion publique. Mais cette fermeté risque-t-elle de compromettre les efforts de réinsertion ?

Les professionnels du secteur s’inquiètent. « On assiste à une forme de stigmatisation de toute action qui ne ressemble pas à une punition », observe Thomas Lemaire. « Or, la prison n’est pas qu’un lieu de punition. C’est aussi un lieu de soin, d’éducation, de préparation à la liberté. »

Le débat ne fait que commencer. Alors que la rentrée judiciaire s’annonce chargée, plusieurs syndicats pénitentiaires ont appelé à une réflexion collective sur les conditions de détention. « Il faut fixer des principes clairs, sinon chaque ministre fera sa politique au gré des polémiques », estime Antoine Rivoire.

A retenir

Qu’a décidé Gérald Darmanin concernant la table de massage ?

Le ministre de la Justice a exigé le retrait de la table de massage de la zone de détention et son transfert à l’usage exclusif du personnel pénitentiaire. Cette décision s’inscrit dans sa volonté de réaffirmer le sens de la peine et de respecter les victimes.

Pourquoi cette table a-t-elle été installée ?

Elle faisait partie d’un programme de gestion du stress mis en place par l’équipe médicale pour des détenus souffrant de troubles anxieux ou psychotraumatiques. Son utilisation était encadrée et limitée à des séances thérapeutiques supervisées.

Les activités récréatives sont-elles interdites en prison ?

Non. Le Conseil d’État précise que seules les activités « provocantes » ou portant atteinte au respect des victimes peuvent être interdites. Les activités culturelles, sportives ou éducatives sont autorisées et même encouragées dans une logique de réinsertion.

Quel est l’objectif des politiques pénitentiaires actuelles ?

L’objectif est double : assurer la sanction prévue par la justice tout en préparant les détenus à une sortie réussie. Cependant, la tension entre ces deux objectifs reste vive, notamment face aux attentes de l’opinion publique et aux réalités du terrain.

Quel impact cette affaire peut-elle avoir sur les futures réformes ?

Elle relance le débat sur les conditions de détention et sur la place du soin en milieu carcéral. Elle pourrait conduire à une clarification des règles nationales, afin d’éviter que des décisions isolées soient prises au cas par cas, sous pression médiatique.