Entre racines rongées et monticules de terre, la présence de petits mammifères fouisseurs dans le jardin suscite souvent une réaction immédiate : les chasser. Pourtant, avant d’agir, il est crucial de comprendre qui sont réellement ces voisins discrets et ce qu’ils apportent — ou enlèvent — à notre espace vert. Taupes et campagnols, bien que tous deux souterrains, ne jouent pas le même rôle dans l’écosystème. L’un peut être un allié précieux, l’autre un véritable fléau. Alors, faut-il vraiment les éliminer, ou est-il temps d’apprendre à cohabiter intelligemment ?
Quelle est la différence entre une taupe et un campagnol ?
Leur mode de vie souterrain et leurs galeries discrètes peuvent prêter à confusion, mais la taupe et le campagnol sont deux mondes à part. Comprendre leurs comportements, leurs régimes alimentaires et leurs impacts respectifs est la première étape pour adopter une stratégie éclairée dans son jardin.
Le campagnol : rongeur herbivore, ennemi des racines
Le campagnol, petit mammifère au museau rond et aux yeux minuscules, est un herbivore vorace. Il se nourrit exclusivement de végétaux : racines, tubercules, bulbes, graines, et parfois même l’écorce des arbres fruitiers. Son appétit souterrain en fait un adversaire redoutable pour les potagers et les vergers.
Léa Béranger, maraîchère bio à proximité de Dijon, raconte : « J’ai perdu une vingtaine de plants de carottes en quelques nuits. En creusant, j’ai trouvé des galeries superficielles remplies de racines sectionnées. C’était du campagnol, aucun doute. » Son expérience n’est pas isolée. Ce rongeur peut multiplier ses galeries rapidement, formant un réseau dense sous la surface, et s’attaquer à des cultures entières sans jamais se montrer.
La taupe : insectivore discret, allié du sol
À l’opposé, la taupe est un insectivore solitaire, qui ne touche jamais aux plantes. Elle se nourrit de vers de terre, de larves de coléoptères, de limaces, et surtout de larves de hannetons — ravageurs redoutés des jardiniers. Son régime fait d’elle un allié naturel contre les parasites du sol.
Contrairement au campagnol, la taupe creuse profondément, à plus de 30 cm sous terre, et ses galeries sont sinueuses et stables. Elle laisse derrière elle des monticules coniques, parfois hauts de 20 cm, qui dérangent l’esthétique des pelouses, mais ne nuisent pas aux plantations. « J’ai longtemps voulu la chasser, confie Antoine Rivière, propriétaire d’un verger en Normandie. Puis j’ai appris qu’elle mangeait les larves qui dévoraient mes racines. Maintenant, je tolère ses monticules. »
Quels dégâts causent-ils réellement au jardin ?
Leur impact sur l’espace vert diffère radicalement. Tandis que le campagnol menace directement la production, la taupe est surtout un problème esthétique — mais souvent mal compris.
Le campagnol : ravages invisibles mais bien réels
Les dégâts du campagnol sont silencieux, mais destructeurs. Il ronge les racines des légumes-racines — pommes de terre, betteraves, navets — provoquant le flétrissement soudain des plants. Il attaque aussi les jeunes arbres fruitiers en grignotant l’écorce à la base, ce qui peut provoquer leur mort par strangulation du tronc.
Élodie Marchal, conceptrice de jardins naturels en Alsace, observe : « J’ai vu des arbres de trois ans mourir en quelques semaines. En examinant le sol, j’ai trouvé des galeries plates, avec des débris végétaux. C’était typique du campagnol. »
Leur reproduction rapide — jusqu’à six portées par an — rend leur prolifération difficile à contrôler sans intervention ciblée.
La taupe : un mal pour un bien ?
La taupe, elle, ne touche pas aux plantes. Ses monticules de terre, souvent perçus comme des défauts esthétiques, sont en réalité le signe d’une activité bénéfique. En creusant, elle aère le sol, améliore le drainage et favorise la pénétration de l’eau et des nutriments.
En outre, en consommant des milliers de larves par an, elle limite naturellement les populations de ravageurs. Un seul adulte peut ingérer jusqu’à son poids corporel chaque jour en proies souterraines. « C’est un nettoyeur du sol », résume Étienne Dubreuil, naturaliste et formateur en permaculture.
Pourtant, son passage peut fragiliser les racines des gazons ou des bordures fleuries en déracinant légèrement les plantes. Mais ces désagréments restent mineurs face à ses services écologiques.
Comment différencier leurs galeries et leurs traces ?
Identifier correctement l’intrus est essentiel pour agir de façon appropriée. Les signes laissés par la taupe et le campagnol sont distincts, et une observation attentive permet d’éviter les erreurs de diagnostic.
Les galeries de taupe : profondes et en monticules coniques
Les taupinières sont reconnaissables à leur forme conique, bien tassée, avec un trou central souvent invisible. Les galeries sont profondes et stables, parfois utilisées pendant plusieurs mois. Le sol est remonté en masse, sans débris végétaux.
Un test simple : appuyez sur le monticule. S’il résiste, c’est probablement une taupe. S’il s’affaisse facilement, cela peut indiquer une galerie récente de campagnol.
Les galeries de campagnol : superficielles et en lignes continues
Les campagnols creusent près de la surface, à quelques centimètres seulement. Leurs galeries forment des sillons visibles sous le gazon, et les monticules sont plats, dispersés en chaîne. On y trouve souvent des fragments de racines, de tiges sectionnées ou des excréments.
Un autre indice : s’il y a des plants qui dépérissent sans raison apparente, avec des racines rongées, le campagnol est très probablement en cause.
Comment limiter leur présence sans nuire à l’écosystème ?
L’éradication totale n’est ni durable ni souhaitable. Elle peut déséquilibrer le jardin en supprimant des prédateurs naturels ou en favorisant d’autres nuisibles. Des méthodes douces, préventives et respectueuses de la biodiversité s’avèrent bien plus efficaces à long terme.
1. Favoriser les prédateurs naturels
Le campagnol est une proie de choix pour de nombreux animaux : chouettes, buses, renards, belettes, et même chats domestiques. Encourager leur présence est une stratégie naturelle et efficace.
Antoine Rivière a installé un nichoir à chouettes dans son verger. « Depuis deux ans, je vois moins de campagnols. Les chouettes chassent la nuit, et leurs nids sont souvent proches des zones infestées. »
Un perchoir pour rapaces, un abri pour hérissons ou une zone de haies sauvages peuvent suffire à attirer ces alliés discrets.
2. Bannir les produits chimiques
Les rodenticides, bien que tentants, sont dangereux. Ils empoisonnent non seulement les campagnols, mais aussi les animaux qui les mangent — chats, rapaces, renards. Ce phénomène, appelé « empoisonnement secondaire », peut décimer des populations de prédateurs utiles.
De plus, ces produits polluent les sols et les nappes phréatiques. « J’ai vu une buse mourir après avoir mangé un campagnol empoisonné », témoigne Léa Béranger. Depuis, elle refuse catégoriquement tout produit chimique dans son potager.
3. Installer des barrières physiques
Protéger les zones sensibles avec des grillages enterrés est une solution mécanique durable. Un grillage fin (maille de 1 cm) enterré à 30 cm de profondeur autour du potager empêche les campagnols d’y pénétrer.
Pour les jeunes arbres, un manchon en grillage plastique ou métallique, enfoncé de 15 cm dans le sol et remontant 30 cm au-dessus, protège efficacement contre le rongement de l’écorce.
4. Utiliser des plantes répulsives
Certaines plantes émettent des odeurs ou des substances que les fouisseurs détestent. L’ail, l’oignon, le sureau, la fritillaire impériale ou encore l’euphorbe épurge peuvent être intégrés en bordure de cultures.
Élodie Marchal en plante autour de ses plates-bandes : « Je n’ai pas de preuve scientifique, mais depuis que j’ai mis de l’ail et du sureau, je vois moins de galeries. Et ça sent bon ! »
5. Recourir aux vibrations et aux sons
Les taupes et campagnols sont sensibles aux vibrations souterraines. Des solutions simples comme des bouteilles en plastique retournées sur des tiges métalliques produisent un sifflement désagréable avec le vent.
Des piquets en bois frappés régulièrement, ou des appareils à ultrasons alimentés par panneau solaire, peuvent aussi les inciter à fuir. Ces méthodes ne tuent pas, mais perturbent leur tranquillité, les poussant à chercher un autre territoire.
Faut-il vraiment chasser taupes et campagnols ?
La réponse n’est pas binaire. Elle dépend de l’équilibre entre les nuisances ressenties et les bénéfices apportés. Chasser aveuglément peut faire plus de mal que de bien.
La taupe, malgré ses monticules, est un allié précieux. Elle améliore la qualité du sol, régule les insectes nuisibles et ne menace jamais les plantes. Si elle ne gêne pas l’usage du jardin, la cohabitation est non seulement possible, mais souhaitable.
Le campagnol, en revanche, représente une menace réelle pour les cultures. Mais plutôt que de l’éliminer par des moyens toxiques, il vaut mieux adopter une gestion préventive : barrières, répulsifs, stimulation des prédateurs. L’objectif n’est pas l’extinction, mais la régulation.
« J’ai appris à observer avant d’agir », confie Étienne Dubreuil. « Un jardin vivant, c’est un jardin où tout le monde a sa place, même les indésirables. Il s’agit de trouver le juste milieu. »
A retenir
La taupe est-elle nuisible ?
Non, la taupe n’est pas nuisible pour les plantes. Elle se nourrit d’insectes et de larves, améliore l’aération du sol et favorise le drainage. Seuls ses monticules peuvent gêner l’esthétique des pelouses, mais son rôle écologique est globalement positif.
Le campagnol attaque-t-il les arbres ?
Oui, le campagnol peut ronger l’écorce des jeunes arbres fruitiers à la base, ce qui les fragilise ou les tue. Il s’attaque aussi aux racines des légumes-racines, provoquant le dépérissement des plants.
Peut-on vivre avec les taupes ?
Oui, il est non seulement possible, mais recommandé de cohabiter avec les taupes. Elles contribuent à la santé du sol. Leur présence peut être tolérée, voire valorisée, dans un jardin respectueux de la biodiversité.
Quelle est la meilleure méthode contre les campagnols ?
La meilleure méthode est préventive et écologique : installation de grillages enterrés, utilisation de plantes répulsives, encouragement des prédateurs naturels (chouettes, chats) et évitement des produits chimiques. L’objectif est de réguler, pas d’éradiquer.
Les ultrasons sont-ils efficaces ?
Les appareils à ultrasons peuvent être efficaces à court terme en perturbant les fouisseurs, mais leur effet diminue si les animaux s’habituent. Ils fonctionnent mieux en combinaison avec d’autres méthodes, comme les vibrations mécaniques ou les barrières physiques.