Travailler après la retraite : les règles du cumul emploi retraite en portage salarial

La retraite, souvent perçue comme une étape de repos bien méritée après des décennies de travail, peut parfois s’avérer déroutante. Pour certains, elle rime avec sérénité et liberté retrouvée. Pour d’autres, comme Élodie Vasseur, 68 ans, ancienne consultante en organisation d’entreprises, elle a d’abord été synonyme de vide. J’ai mis trois mois à réaliser que je m’ennuyais profondément, confie-t-elle. Je me levais sans but, je croisais de moins en moins de monde… C’est à ce moment-là que j’ai compris que je devais reprendre une activité, ne serait-ce que pour garder le lien social. Élodie n’est pas seule. De plus en plus de retraités cherchent à rebondir professionnellement, non par nécessité financière, mais pour retrouver un équilibre personnel. Le cumul emploi-retraite en portage salarial apparaît alors comme une solution élégante, à la croisée entre indépendance, protection sociale et reconnaissance de l’expérience. Ce dispositif, encore mal connu, mérite d’être exploré en détail.

Qui peut bénéficier du cumul emploi-retraite ?

Le cumul emploi-retraite n’est pas accessible à tous sans conditions. Il s’inscrit dans un cadre réglementaire précis, qui distingue deux grandes formules : le cumul intégral et le cumul partiel. Chaque option répond à des situations différentes, selon que le retraité a atteint ou non son âge légal de départ et liquidé l’ensemble de ses droits à la retraite.

Qu’est-ce que le cumul emploi-retraite intégral ?

Le cumul intégral est la solution la plus avantageuse pour les retraités qui ont pleinement liquidé leurs droits. Il s’adresse à ceux qui ont atteint l’âge légal de la retraite – 62 ans en 2024, sous réserve des réformes en vigueur – et qui bénéficient d’une pension à taux plein. Cela signifie qu’ils ont validé l’ensemble de leurs trimestres requis ou qu’ils ont été dispensés en raison d’un départ anticipé pour carrière longue, handicap ou autre motif légal.

Lorsqu’un retraité comme Julien Mercier, 65 ans, ancien ingénieur en environnement, décide de se lancer en portage salarial, il doit d’abord informer sa caisse de retraite. J’ai reçu un courrier de la Carsat trois semaines après avoir signé mon premier contrat, raconte-t-il. Ils m’ont demandé une attestation de mon entreprise de portage, puis tout a été validé. Cette déclaration est obligatoire et doit être faite dans un délai d’un mois suivant la reprise d’activité. Une fois les conditions remplies, le retraité peut exercer son activité sans limitation de revenus. Sa pension n’est pas touchée, et il continue à cotiser, ce qui peut même générer de nouveaux droits à la retraite.

Et le cumul emploi-retraite partiel, pour qui est-il ?

Le cumul partiel concerne les personnes qui n’ont pas encore liquidé l’ensemble de leurs droits à la retraite ou qui ne bénéficient pas d’une pension à taux plein. Cette situation est fréquente chez les retraités qui ont pris une retraite anticipée ou qui ont des carrières incomplètes. Dans ce cas, le retour à l’emploi est possible, mais encadré par des plafonds de revenus.

Le cumul de la pension et des revenus d’activité ne doit pas dépasser 1,6 fois le SMIC mensuel brut, soit environ 3 200 euros en 2024, ou la moyenne des trois derniers salaires perçus avant la retraite, selon le montant le plus élevé. Si ce seuil est franchi, la pension est suspendue ou réduite. Ce dispositif, bien que contraignant, permet à des personnes comme Camille Lenoir, 60 ans, ancienne professeure de lettres, de compléter ses revenus tout en continuant à enseigner à mi-temps. Je donne des cours particuliers à des élèves de terminale, explique-t-elle. Avec le portage, je suis libre d’organiser mes semaines, mais je dois faire attention à ne pas dépasser le plafond. Chaque mois, je vérifie mes revenus cumulés.

Un autre point important : si le retraité retourne travailler pour son ancien employeur, un délai de carence de six mois s’applique dans le cadre du cumul partiel. Cette règle vise à empêcher les arrangements déguisés entre employeurs et salariés. En revanche, en portage salarial, cette contrainte disparaît, car le lien de subordination n’existe plus.

Pourquoi choisir le portage salarial après la retraite ?

Le portage salarial est un statut hybride qui allie les atouts de l’indépendance à la sécurité du salariat. Pour un retraité, il représente une passerelle idéale vers une nouvelle vie professionnelle, sans les contraintes administratives d’une création d’entreprise ni les risques financiers d’un statut de freelance isolé.

Un revenu complémentaire sans perdre sa pension

Le premier avantage est évidemment financier. Même avec une pension correcte, de nombreux retraités ressentent le besoin de compléter leurs revenus, que ce soit pour maintenir leur niveau de vie, financer des projets ou simplement se sentir utiles. Le portage salarial permet de générer un salaire en toute légalité, tout en conservant sa pension intégrale dans le cas du cumul intégral.

Je pensais que ma retraite serait suffisante, mais j’ai vite vu que mes dépenses augmentaient, surtout avec les voyages et les soins dentaires , sourit Élodie Vasseur. Grâce à ses missions de conseil en gestion de projet pour des PME, elle gagne aujourd’hui environ 2 800 euros par mois en plus de sa pension. C’est un vrai confort. Et surtout, je me sens encore compétente, valorisée.

Des droits sociaux préservés

Contrairement à un travailleur indépendant classique, le salarié porté bénéficie d’une couverture sociale complète : assurance maladie, indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, protection complémentaire santé, et même des droits à l’assurance chômage dans certaines conditions. C’est un atout majeur pour les seniors, dont les besoins de soins peuvent augmenter avec l’âge.

Quand j’ai eu un problème au genou, j’ai été arrêté trois semaines, raconte Julien Mercier. Grâce au portage, j’ai touché des indemnités journalières. Si j’avais été freelance, je n’aurais rien eu. Ce filet de sécurité rassure les retraités qui hésitent à se lancer, comme Camille Lenoir, qui avoue : Je ne voulais pas perdre ma protection. Le portage m’a permis de travailler sans craindre une mauvaise surprise.

Liberté d’action et reconnaissance du savoir-faire

Le portage salarial offre une liberté rare. Le retraité choisit ses clients, ses missions, son planning, et négocie ses tarifs. Il reste maître de son activité, tout en étant épaulé par une entreprise de portage qui s’occupe de la facturation, du recouvrement, des déclarations sociales et fiscales.

C’est comme être indépendant, mais avec un appui , résume Élodie. Je fixe mes honoraires, je décide de mes congés, mais je n’ai pas à remplir des tonnes de paperasse. Cette flexibilité est idéale pour ceux qui souhaitent travailler à leur rythme, sans pression de rendement excessif.

Par ailleurs, le portage permet de valoriser une expertise souvent sous-estimée. Beaucoup de retraités ont des compétences rares, acquises sur le terrain. En consultant, formateur, coach ou expert, ils peuvent transmettre leur savoir à une nouvelle génération. J’ai formé des jeunes ingénieurs sur des projets de transition écologique, explique Julien. C’est gratifiant de voir qu’on peut encore apporter quelque chose.

Un retour à l’activité sans contrainte de carence

Un autre avantage souvent méconnu : en portage salarial, le retraité peut travailler pour son ancien employeur sans respecter le délai de carence de six mois exigé dans d’autres cas. C’est une aubaine pour les entreprises qui souhaitent conserver un collaborateur expérimenté en mission ponctuelle, et pour le retraité qui veut rester dans un environnement familier.

Mon ancien directeur m’a appelé six mois après mon départ, témoigne Camille Lenoir. Il avait besoin d’aide pour rédiger un rapport pédagogique. Grâce au portage, j’ai pu dire oui immédiatement.

Comment se lancer en portage salarial à la retraite ?

La démarche est simple, mais demande quelques étapes clés. Tout d’abord, le retraité doit choisir une société de portage salarial sérieuse, qui l’accompagnera dans la création de son contrat, la gestion administrative et la recherche de missions. Ensuite, il signe un contrat de travail avec cette société, qui devient son employeur légal.

Il doit ensuite déclarer son activité à sa caisse de retraite (Carsat, Agirc-Arrco, etc.), en fournissant les documents nécessaires : attestation de l’entreprise de portage, copie du contrat, justificatif de revenus. Une fois la déclaration faite, le cumul est validé, et le retraité peut commencer à travailler.

Il est conseillé de bien évaluer son niveau d’activité, surtout en cumul partiel, pour ne pas dépasser les plafonds. Des outils de simulation, comme ceux proposés par certains organismes spécialisés, permettent de calculer précisément les revenus autorisés.

Conclusion

Le cumul emploi-retraite en portage salarial n’est pas qu’une solution financière. C’est une réponse globale à un enjeu de société : comment permettre aux seniors de rester actifs, utiles et épanouis après la retraite ? Ce dispositif allie sécurité, liberté et reconnaissance. Il permet à des femmes et des hommes comme Élodie, Julien ou Camille de continuer à contribuer, à partager leur expérience, et surtout, à ne pas se sentir mis de côté. Dans une société qui vieillit, mais qui a encore besoin de sagesse et de compétences, le portage salarial pour retraités est bien plus qu’une niche : c’est une voie d’avenir.

A retenir

Le cumul emploi-retraite en portage salarial est-il légal ?

Oui, le cumul emploi-retraite est parfaitement légal en France, à condition de respecter les conditions fixées par la loi. En portage salarial, le retraité est considéré comme un salarié, ce qui lui permet de cumuler sa pension avec un salaire, sous certaines limites selon qu’il s’agit d’un cumul intégral ou partiel.

Faut-il déclarer son activité en portage à sa caisse de retraite ?

Oui, toute reprise d’activité doit être déclarée à la caisse de retraite dans un délai d’un mois. Cette déclaration est obligatoire pour valider le cumul emploi-retraite et éviter toute suspension de pension.

Peut-on cumuler tous ses revenus sans limite ?

Seul le cumul intégral permet de travailler sans plafond de revenus. Le cumul partiel, lui, impose une limite : le total de la pension et du salaire ne doit pas dépasser 1,6 fois le SMIC ou la moyenne des trois derniers salaires.

Le portage salarial permet-il de cotiser pour une nouvelle retraite ?

Oui, chaque mois travaillé en portage salarial génère de nouveaux droits à la retraite. Ces points sont pris en compte pour une future revalorisation de la pension, dans la limite des plafonds légaux.

Peut-on travailler pour son ancien employeur en portage après la retraite ?

Oui, et c’est un avantage majeur du portage salarial : il permet de contourner le délai de carence de six mois exigé dans d’autres formes de cumul. Le retraité peut donc intervenir rapidement pour son ancienne entreprise, en toute légalité.