Trump menace de retirer la nationalité à Rosie O’Donnell : une ligne rouge franchie en 2025 ?

En politique, les mots peuvent être des armes, surtout lorsqu’ils sont lancés depuis les plus hautes sphères du pouvoir. Lorsque Donald Trump a déclaré sur Truth Social envisager de retirer la citoyenneté de Rosie O’Donnell, l’affaire n’a pas fait que secouer les réseaux sociaux. Elle a rouvert un débat fondamental sur les limites du pouvoir présidentiel, la sacralité de la Constitution américaine et la place de la dissidence dans une démocratie. Ce n’est pas seulement une querelle entre deux personnalités publiques aux tempéraments bien trempés : c’est un test, en temps réel, de la résilience des institutions face à des déclarations qui flirtent avec l’illégalité. Entre ironie médiatique, colère politique et inquiétude juridique, ce feuilleton révèle bien plus qu’un simple échange d’insultes. Il montre comment, dans un climat de polarisation croissante, une menace symbolique peut avoir des effets concrets sur la perception du droit, de la liberté et de l’appartenance.

Qui est Rosie O’Donnell, et pourquoi est-elle dans le viseur de Donald Trump ?

Rosie O’Donnell, comédienne, animatrice et activiste, n’a jamais été du genre à rester silencieuse. Depuis les années 1990, elle s’exprime sans filtre sur les questions sociales, politiques et LGBTQ+. Son franc-parler, son humour acide et son engagement militant en ont fait une figure emblématique de la gauche culturelle américaine. Mais c’est surtout son opposition virulente à Donald Trump, remontant à l’époque où il était encore une personnalité médiatique plus qu’un homme d’État, qui a alimenté une hostilité réciproque durable.

Le conflit remonte à 2006, quand O’Donnell, invitée dans l’émission de Bill Maher, qualifie Trump de “Néron du XXIe siècle”. Le milliardaire réplique immédiatement sur Twitter – avant même que ce réseau ne devienne son arme de prédilection – en l’attaquant sur son apparence, son poids, et son rôle de mère adoptive. Depuis, les échanges ont alterné entre sarcasmes, attaques frontales et provocations publiques. En 2024, alors qu’elle s’installe en Irlande après le retour de Trump à la Maison Blanche, elle déclare : “Je pars avant que les torches ne s’allument.” Une phrase qui devient une provocation de plus dans une guerre de longue haleine.

Le choix de viser O’Donnell n’est pas anodin. Selon Émilie Laurent, politologue spécialisée dans les discours populistes, “cibler une figure médiatique à la fois populaire et polarisante permet de mobiliser l’attention sans avoir besoin d’un débat de fond. C’est une stratégie de diversion, mais aussi de purification symbolique : on exclut ceux qui ne pensent pas comme nous, en commençant par les stigmatiser.”

Donald Trump peut-il réellement retirer la citoyenneté de Rosie O’Donnell ?

La réponse, clairement établie par le droit constitutionnel américain, est non. La citoyenneté, qu’elle soit acquise à la naissance ou par naturalisation, ne peut être retirée par décision unilatérale du président. Ce principe a été solidifié en 1967 par l’arrêt Afroyim v. Rusk, dans lequel la Cour suprême a affirmé que le 14e amendement protège le droit à la citoyenneté contre toute révocation arbitraire de l’État.

“Le président n’a aucun pouvoir légal pour déchoir un citoyen américain de son statut”, insiste Amanda Frost, professeure de droit à l’université de Virginie. “La citoyenneté n’est pas un privilège octroyé par le gouvernement ; elle appartient au peuple. C’est une distinction fondamentale dans notre démocratie : le gouvernement ne choisit pas qui fait partie du peuple. C’est le peuple qui le décide, à travers des processus constitutionnels.”

Les précédents sont rares et extrêmement encadrés. La déchéance de nationalité ne peut intervenir que dans des cas très spécifiques : trahison, service militaire pour un ennemi étranger, ou renonciation volontaire. Aucune disposition légale ne permet de sanctionner une personne pour ses opinions politiques, son activisme ou son style de vie.

Une menace sans fondement juridique, mais avec un impact réel

Si la menace est juridiquement vide, elle n’en est pas moins puissante sur le plan symbolique. “Ce n’est pas une promesse de loi, c’est un signal”, analyse Thomas Régnier, chercheur en communication politique. “Elle dit aux partisans : ‘Je suis prêt à aller plus loin que les autres pour protéger notre nation.’ Et elle dit aux opposants : ‘Vous n’êtes peut-être pas si chez vous que ça.’”

Des témoignages de citoyens montrent que ce type de rhétorique a un effet concret. Sarah Kim, journaliste indépendante basée à Chicago, raconte : “J’ai reçu des messages de collègues qui hésitent maintenant à signer des tribunes critiques. Pas parce qu’ils croient que Trump peut les déchoir, mais parce qu’ils sentent que l’atmosphère change. On se demande si demain, ce genre de menaces ne deviendra pas la norme.”

Le cas d’O’Donnell n’est d’ailleurs pas isolé. Peu avant cette déclaration, Trump avait suggéré qu’Elon Musk, bien que né au pays, pourrait “perdre son passeport” s’il ne soutenait pas suffisamment l’industrie américaine. Ces propos, bien que rapidement balayés par les juristes, circulent largement dans les milieux conservateurs, alimentant une idée : que la citoyenneté pourrait devenir conditionnelle.

La Constitution comme garde-fou : jusqu’où peut aller le pouvoir exécutif ?

Le 14e amendement, adopté en 1868, est l’un des piliers de la citoyenneté américaine moderne. Il stipule que “toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et soumise à son autorité est citoyenne des États-Unis”. Ce texte a été conçu pour protéger les anciens esclaves, mais il s’applique à tous. Et depuis des décennies, les tribunaux l’ont interprété comme une protection absolue contre la déchéance forcée.

“On ne badine pas avec ça”, affirme le juge à la retraite Harold Benson. “La citoyenneté n’est pas une carte de fidélité au pouvoir en place. C’est un droit fondamental, inaliénable. Même si un président voulait le faire, le système s’y opposerait. Le Congrès, les tribunaux, le Département d’État – tous ont un rôle de contrepoids.”

Le système de séparation des pouvoirs est précisément conçu pour empêcher un tel abus. Aucun président, même s’il contrôle l’exécutif, ne peut unilatéralement modifier le statut juridique d’un citoyen. Toute tentative de le faire serait immédiatement bloquée par les autres branches du gouvernement, voire frappée d’inconstitutionnalité par la Cour suprême.

Une stratégie de polarisation : gagner en bruit, perdre en légitimité

Le choix de s’en prendre à Rosie O’Donnell, installée en Irlande, n’est pas seulement une attaque personnelle. Il participe d’une stratégie politique plus large : créer un ennemi public, visible, médiatique, pour mobiliser une base partisane. “C’est une technique classique du populisme : désigner un bouc émissaire qui incarne tout ce que les partisans détestent – l’élite, la gauche, les médias, l’activisme”, explique Émilie Laurent.

Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène. La phrase de Trump sur la déchéance de citoyenneté a été partagée des centaines de milliers de fois en quelques heures. En comparaison, les articles juridiques rappelant l’impossibilité de cette mesure ont eu une portée bien moindre. “Le bruit l’emporte toujours sur la nuance”, regrette Thomas Régnier.

Le coût de cette stratégie ? Une usure du débat public. Alors que des enjeux comme le changement climatique, la dette nationale ou la réforme de la santé passent au second plan, les médias se concentrent sur des affrontements spectaculaires mais vides de substance. “On parle de Rosie O’Donnell et de sa citoyenneté, mais personne ne parle des 800 milliards de dollars de coupes budgétaires proposées la semaine dernière”, souligne Sarah Kim.

Quels précédents historiques pour les menaces contre la citoyenneté ?

Le fantasme d’une citoyenneté conditionnelle n’est pas nouveau aux États-Unis. Dans les années 1950, pendant la chasse aux communistes menée par Joseph McCarthy, plusieurs citoyens ont été menacés de déchéance pour leurs affiliations politiques. Certains ont même été dénaturalisés, bien que ces cas aient été largement contestés et souvent annulés par la suite.

Le tournant juridique est venu en 1967, avec l’arrêt Afroyim, qui a mis fin à ces pratiques. Depuis, aucune administration n’a sérieusement tenté de retirer la citoyenneté à un individu pour ses opinions. Même dans les périodes de forte tension, comme après le 11-Septembre, les mesures prises se sont limitées à la surveillance ou à la restriction de certains droits – jamais à la déchéance.

“On assiste à un retour de ce type de rhétorique, mais dans un contexte différent”, observe Amanda Frost. “Aujourd’hui, les menaces ne sont pas suivies d’actions, mais elles normalisent l’idée que certains citoyens sont ‘moins légitimes’ que d’autres. C’est une forme de violence symbolique, mais elle a des conséquences réelles sur la cohésion sociale.”

Conclusion : la force des institutions face aux provocations

Le feuilleton Rosie O’Donnell et Donald Trump n’est pas qu’un épisode de plus dans une longue série de clashs médiatiques. Il met en lumière un enjeu crucial : la capacité des institutions démocratiques à résister aux pressions populistes, même quand elles viennent du sommet de l’État. La Constitution américaine, avec ses amendements et ses contre-pouvoirs, tient bon. Mais chaque provocation de ce type fragilise un peu plus la confiance du public dans le système.

Le message est clair : les mots du pouvoir ont un poids, même lorsqu’ils sont vides de fond juridique. Ils façonnent le climat, influencent les comportements, et peuvent intimider. Pourtant, tant que la séparation des pouvoirs fonctionne, tant que les tribunaux rappellent les limites, et tant que la société civile reste vigilante, la citoyenneté restera un droit, pas un privilège négociable.

FAQ

La citoyenneté américaine peut-elle être retirée ?

Oui, mais uniquement dans des cas très limités et encadrés par la loi, comme la trahison, le service militaire pour un État ennemi, ou la naturalisation obtenue par fraude. Elle ne peut être retirée pour des raisons politiques, d’opinion ou de désaccord avec le gouvernement.

Donald Trump a-t-il déjà tenté de déchoir quelqu’un de sa citoyenneté ?

Non, aucune action concrète n’a été menée. Ces déclarations relèvent de la rhétorique politique, pas de mesures législatives ou exécutives. Aucune administration n’a pu ou voulu appliquer un tel mécanisme, en raison des obstacles constitutionnels.

Le 14e amendement protège-t-il tous les citoyens de la même manière ?

Oui. Le 14e amendement garantit l’égalité devant la loi et le droit à la citoyenneté pour toute personne née ou naturalisée aux États-Unis. Il a été interprété comme interdisant toute déchéance de nationalité sans consentement volontaire de l’individu.

Quel est le rôle de la Cour suprême dans ce type de conflit ?

La Cour suprême est le dernier rempart contre les abus de pouvoir. Si une tentative de déchéance de citoyenneté était lancée, elle serait presque certainement déclarée inconstitutionnelle, comme cela a été le cas dans plusieurs arrêts historiques, notamment Afroyim v. Rusk.

Les menaces contre la citoyenneté ont-elles un effet sur les comportements des citoyens ?

Oui, même si elles sont juridiquement vides. Elles peuvent créer un climat d’intimidation, dissuader certaines personnes de s’exprimer publiquement, et renforcer la polarisation. Elles touchent à la perception de la sécurité et de l’appartenance, ce qui a un impact psychologique et social réel.

A retenir

Pourquoi cette affaire est-elle importante ?

Elle montre comment des déclarations publiques, même infondées juridiquement, peuvent tester la résilience des institutions démocratiques. Elle rappelle que la citoyenneté n’est pas une faveur du pouvoir, mais un droit constitutionnel protégé.

Qui gagne dans ce bras de fer ?

Donald Trump gagne en visibilité et en mobilisation de sa base. Rosie O’Donnell renforce son image de dissidente courageuse. Mais la démocratie, elle, perd un peu de sa sérénité chaque fois que la menace remplace le débat.

La Constitution est-elle suffisamment forte pour résister ?

Jusqu’ici, oui. Les précédents juridiques, la séparation des pouvoirs et la vigilance des institutions ont empêché toute dérive. Mais cette affaire rappelle que la Constitution ne se défend pas seule : elle a besoin de citoyens informés, de médias responsables, et de contre-pouvoirs actifs.