France : cet uranium inexploité pourrait changer l’avenir énergétique du pays

La France possède sous ses pieds une richesse méconnue : des gisements d’uranium parmi les plus importants au monde. Pourtant, cette manne stratégique pour la transition énergétique reste paradoxalement en sommeil, faute d’acteurs industriels engagés dans son exploitation. Entre indépendance énergétiques, enjeux environnementaux et savoir-faire en péril, le pays se trouve à un carrefour décisif pour son avenir.

Pourquoi la France ne valorise-t-elle pas son uranium ?

Dans les sous-sols du Limousin, de la Vendée ou encore du Morvan, dorment des réserves d’uranium estimées à des dizaines de milliers de tonnes. « Nous avons cartographié des filons exceptionnels lors de prospections dans les années 90 », se souvient Théo Vercambre, ancien géologue chez Areva. « Certains sites affichent des teneurs qui rivalisent avec les mines canadiennes de McArthur River. » Pourtant, la dernière mine française a fermé en 2001, laissant cette ressource stratégique en jachère.

Un casse-tête réglementaire et financier

L’extraction de l’uranium se heurte à trois obstacles majeurs. D’abord, un cadre réglementaire parmi les plus stricts au monde, avec des normes environnementales qui multiplient les coûts. Ensuite, des investissements initiaux colossaux – entre 500 millions et 1 milliard d’euros pour ouvrir une mine moderne. Enfin, la volatilité des cours mondiaux qui décourage les investisseurs. « Personne ne veut prendre le risque pour 15 ou 20 ans de production », analyse Clara Delsol, économiste spécialisée dans les matières premières.

Que dit l’expérience des anciens mineurs ?

Martine Laval, 58 ans, a passé sa carrière dans les mines du Limousin avant leur fermeture. « Nous étions pionniers dans les techniques d’extraction propre, se souvient-elle en montrant des photos jaunies. Aujourd’hui, cette expertise s’est envolée avec les départs à la retraite. » Son collègue Jacques Rimbault ajoute : « Les jeunes ingénieurs français partent maintenant travailler en Australie ou au Kazakhstan. Nous formons des compétences… pour nos concurrents. »

Une souveraineté énergétique en question

La dépendance aux importations inquiète les experts. « Nous achetons notre uranium à l’étranger alors que nous pourrions couvrir 30% de nos besoins », souligne Élodie Chambert, chercheuse à l’IFP Énergies nouvelles. Un paradoxe alors que la France relance son programme nucléaire avec six nouveaux EPR. Pour Raphaël Nio, directeur des ressources minérales au BRGM, « c’est comme si l’Arabie saoudite importait son pétrole ».

Quelles solutions pour demain ?

Plusieurs scénarios émergent pour sortir de cette impasse. Le développement de techniques d’extraction moins polluantes, comme la lixiviation in situ, pourrait réduire l’impact environnemental. « On injecte des solutions directement dans le gisement pour récupérer l’uranium sans creuser de mines à ciel ouvert », explique Ingrid Saulnier, ingénieure chez Orano. Autre piste : des joint-ventures avec des pays africains disposant à la fois de gisements et d’une main-d’œuvre expérimentée.

Un levier économique régional

La relance minière pourrait dynamiser des territoires ruraux en déclin. « Une mine moderne crée 300 à 500 emplois directs et trois fois plus d’emplois indirects », calcule Damien Vauclair, maire d’une commune limousine. Son projet de centre de formation aux métiers miniers a déjà reçu 150 candidatures. « Les gens veulent travailler ici plutôt que dans les entrepôts Amazon », plaide-t-il.

Quel avenir pour l’uranium français ?

L’équation est complexe mais des signaux positifs apparaissent. Le gouvernement a lancé en 2023 un fonds d’exploration minière doté de 200 millions d’euros. « Nous devons retrouver une connaissance fine de notre sous-sol », insiste la ministre de la Transition énergétique. Parallèlement, les progrès technologiques réduisent progressivement l’empreinte environnementale des mines.

Un atout pour la transition écologique

« L’uranium français pourrait alimenter nos centrales pendant des décennies avec un bilan carbone bien inférieur aux importations », argumente Lucas Ferrand du Shift Project. Une étude récente montre qu’une mine locale émet 40% moins de CO₂ que l’extraction kazakhe, transports inclus. Pour Amélie Costes, porte-parole de Greenpeace France, « l’enjeu n’est pas d’extraire à tout prix, mais de le faire mieux que les autres ».

A retenir

La France possède-t-elle vraiment beaucoup d’uranium ?

Oui, les réserves françaises figurent parmi les dix plus importantes au monde, avec un potentiel estimé à près de 50 000 tonnes d’uranium. Plusieurs gisements n’ont jamais été exploités.

Pourquoi ne pas tout importer comme aujourd’hui ?

La dépendance aux importations (Niger, Kazakhstan, Australie) expose à des risques géopolitiques. De plus, importer augmente l’empreinte carbone et ne profite pas à l’économie locale.

L’extraction est-elle compatible avec l’écologie ?

Les nouvelles technologies permettent une extraction plus propre, mais des risques demeurent. Un contrôle strict et des innovations continues sont nécessaires pour minimiser les impacts.