Alors que l’automne s’installe et que les températures baissent, la reprise des infections respiratoires marque le retour d’un rituel désormais bien ancré dans les habitudes de santé publique : la campagne annuelle de vaccination contre la grippe et le Covid-19. Malgré une remontée progressive des cas de Covid-19 à la rentrée, les autorités sanitaires françaises ont choisi de maintenir le calendrier prévu, sans précipiter le lancement de la campagne. Ce choix, défendu par Caroline Semaille, directrice de Santé Publique France, s’appuie sur une évaluation rigoureuse de la situation épidémiologique et sur la nature du variant dominant, surnommé Frankenstein (XFG), qui ne présente pas de danger accru par rapport aux autres lignées d’Omicron. Dans ce contexte, la vigilance reste de mise, surtout pour les 19 millions de personnes considérées à risque de formes graves.
Quel est le calendrier de la campagne vaccinale 2023 ?
La campagne de vaccination contre la grippe et le Covid-19 débute officiellement le mardi 14 octobre. Ce lancement simultané n’est pas anodin : il vise à simplifier l’accès aux soins et à renforcer la couverture vaccinale en regroupant deux préventions essentielles. Cette coordination permet également de mutualiser les efforts des professionnels de santé, des centres de vaccination et des pharmacies, qui joueront un rôle central dans la diffusion des doses.
Clémentine Vasseur, pharmacienne à Rennes, témoigne : On a reçu les premières livraisons de vaccins la semaine dernière. L’organisation est fluide, les bons de prise en charge ont été envoyés, et les patients commencent déjà à se renseigner. Ce qui change cette année, c’est qu’on insiste davantage sur les personnes âgées de plus de 65 ans, car elles sont particulièrement vulnérables, surtout si elles ont des comorbidités.
Pourquoi ne pas avoir avancé la campagne ?
Face à la hausse des contaminations, certains s’interrogeaient sur la pertinence d’un report ou d’un accélération du calendrier. La réponse des autorités est claire : aucune urgence ne justifie un changement de planning. Selon Caroline Semaille, la dynamique épidémique actuelle, bien que marquée par une augmentation des cas, ne présente pas de signes de gravité exceptionnelle. Le variant XFG, s’il se propage rapidement, n’entraîne pas plus de formes sévères que les variants précédents.
Le Pr Didier Lepelletier, directeur général de la Santé, confirme cette analyse : Le variant Frankenstein est un descendant d’Omicron, comme beaucoup d’autres. Il combine des caractéristiques de plusieurs sous-lignées, ce qui explique son surnom, mais il ne modifie pas fondamentalement la donne. Il n’y a pas de preuve de virulence accrue, ni d’échappement immunitaire majeur.
Qui doit se faire vacciner cette année ?
Les personnes prioritaires sont clairement identifiées : les plus de 65 ans, les individus souffrant de maladies chroniques (comme le diabète, les insuffisances respiratoires ou cardiaques), les femmes enceintes à partir du sixième mois de grossesse, ainsi que les personnes immunodéprimées. Ces groupes représentent environ 19 millions de Français, tous éligibles à une prise en charge intégrale du vaccin par la Sécurité sociale.
À Lyon, Thomas Mercier, 72 ans, atteint d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), raconte : L’an dernier, j’ai attrapé la grippe malgré tout. J’ai été alité pendant trois semaines. Cette année, je ne veux pas prendre de risque. Je vais me faire vacciner dès la semaine prochaine. Mon pneumologue m’a dit que les nouveaux vaccins sont mieux adaptés aux variants circulants.
Quelle est la situation de la couverture vaccinale ?
Malgré les efforts, les chiffres restent préoccupants. Seulement une personne sur cinq âgée de plus de 65 ans s’est fait vacciner contre le Covid-19 lors de la dernière campagne, et à peine un quart des octogénaires. Pour la grippe, la couverture est un peu meilleure, mais stagne à 46,5 % parmi les groupes à risque. Pire, elle a reculé chez les moins de 65 ans atteints de maladies chroniques, passant de 31 % à 25 % en un an.
Ce recul est inquiétant , alerte le Pr Lepelletier. On assiste à une forme de lassitude, voire de scepticisme, dans certaines populations. Pourtant, les données sont claires : la vaccination sauve des vies. L’an dernier, la grippe a causé environ 17 000 décès en France, bien au-dessus de la moyenne habituelle de 10 000.
Quelles nouveautés pour la campagne 2023 ?
La grande nouveauté de cette année concerne les vaccins contre la grippe destinés aux seniors. Pour la première fois, deux vaccins à dose plus élevée ou adjuvantés – le Fluad de CSL Seqirus et l’Efluelda de Sanofi – sont remboursés pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Ces vaccins, recommandés par la Haute Autorité de santé (HAS), offrent une meilleure réponse immunitaire chez les personnes dont le système immunitaire s’affaiblit avec l’âge.
C’est une avancée majeure , souligne Élodie Nguyen, médecin généraliste à Toulouse. Ces vaccins stimulent davantage le système immunitaire des seniors. On espère que cela incitera davantage de patients à franchir le pas.
Comment fonctionne la prise en charge ?
Le vaccin, qu’il s’agisse de la grippe ou du Covid-19, est entièrement pris en charge par l’Assurance maladie. Les patients reçoivent un bon de prise en charge par courrier ou via leur compte Ameli. L’acte de vaccination, lui, est remboursé à 70 % par la Sécurité sociale, le reste étant généralement couvert par les mutuelles. Aucune avance de frais n’est donc nécessaire pour la majorité des personnes éligibles.
Ce système est rassurant pour les patients , confirme Clémentine Vasseur. Beaucoup craignent les coûts cachés ou les complications administratives. Là, tout est clair : vaccin gratuit, injection prise en charge. Il n’y a plus d’excuse.
Quel est le risque d’une co-infection grippe et Covid ?
Un des enjeux majeurs de cette campagne est la prévention des co-infections. Contracter simultanément la grippe et le Covid-19 augmente significativement le risque de complications graves, notamment chez les personnes fragiles. Les deux virus circulent aux mêmes périodes, affectent les mêmes voies respiratoires et peuvent se renforcer mutuellement.
C’est ce qu’on a vu pendant les hivers 2020 et 2021 , rappelle le Pr Lepelletier. Les patients hospitalisés avec une double infection avaient un pronostic plus sombre. La vaccination contre les deux maladies est donc une double protection, pas une simple addition.
Comment convaincre les réticents ?
Le défi principal reste la méfiance persistante dans certaines couches de la population. Si les seniors sont globalement plus enclins à se faire vacciner, les jeunes adultes et les patients chroniques plus jeunes hésitent davantage. Des campagnes d’information ciblées, menées par les médecins, les pharmaciens et les associations de patients, tentent de répondre à leurs interrogations.
On entend souvent : ‘J’ai déjà eu le Covid, à quoi bon ?’ ou ‘La grippe, ce n’est pas si grave’ , déplore Élodie Nguyen. Mais ces idées reçues sont dangereuses. Le Covid peut récidiver, et la grippe tue chaque année des milliers de personnes. Il faut repenser la vaccination non comme une contrainte, mais comme un acte de responsabilité individuelle et collective.
Quel rôle jouent les professionnels de santé ?
Les médecins, pharmaciens et infirmiers sont au cœur de la stratégie. Leur rôle n’est pas seulement de vacciner, mais aussi d’informer, rassurer et accompagner les patients dans leur décision. Beaucoup notent une évolution positive dans le dialogue, même si le travail de pédagogie reste important.
On ne force personne , insiste Clémentine Vasseur. Mais on écoute, on répond aux questions, on explique les bénéfices. Parfois, un simple échange suffit à lever un blocage.
Quelles leçons tirer des campagnes passées ?
Les années précédentes ont montré que la mobilisation sanitaire ne se décrète pas : elle se construit. La pandémie a accru la sensibilisation, mais aussi généré de la fatigue. Aujourd’hui, il s’agit de trouver un équilibre entre vigilance et normalisation. La vaccination ne doit plus être perçue comme une urgence exceptionnelle, mais comme une pratique de santé routinière, au même titre que le dépistage du cancer ou la visite annuelle chez le cardiologue.
Quel est l’objectif pour l’hiver 2023-2024 ?
Les autorités espèrent une couverture vaccinale en hausse, notamment chez les seniors et les patients chroniques. L’enjeu est double : éviter un nouveau pic épidémique et préserver le fonctionnement des hôpitaux, souvent saturés en période hivernale. On ne veut pas revivre les scénarios de 2020 ou 2022 , affirme Caroline Semaille. La vaccination est notre meilleure arme.
A retenir
La campagne de vaccination contre la grippe et le Covid-19 débute le 14 octobre. Elle cible 19 millions de personnes à risque, dont les plus de 65 ans, les malades chroniques et les femmes enceintes. Malgré une couverture encore insuffisante, les autorités misent sur la gratuité, la prise en charge intégrale et les nouveaux vaccins améliorés pour inverser la tendance. Le variant XFG, bien qu’en progression, ne justifie pas de mesures d’urgence. La priorité est à la prévention, à l’information et à la confiance.
FAQ
Qui est éligible à la vaccination gratuite ?
Les personnes âgées de 65 ans et plus, celles souffrant de maladies chroniques, les femmes enceintes à partir du sixième mois, et les personnes vulnérables pour raisons médicales. Elles reçoivent un bon de prise en charge par courrier ou via leur compte Ameli.
Peut-on recevoir les deux vaccins en même temps ?
Oui, il est possible et recommandé de recevoir les vaccins contre la grippe et le Covid-19 lors de la même séance. Cela simplifie l’organisation et augmente les chances de se faire vacciner.
Où peut-on se faire vacciner ?
Dans les centres de vaccination, chez les médecins, infirmiers ou pharmaciens habilités. Les pharmacies jouent un rôle central, notamment pour la grippe.
Les nouveaux vaccins grippe sont-ils obligatoires pour les seniors ?
Non, ils ne sont pas obligatoires, mais fortement recommandés. Le Fluad et l’Efluelda offrent une meilleure protection pour les personnes âgées grâce à une formulation adaptée à leur système immunitaire affaibli.
Y a-t-il des effets secondaires importants ?
Les effets secondaires sont généralement bénins : douleur au point d’injection, fatigue légère, parfois fièvre modérée. Ils disparaissent en quelques jours. Les bénéfices de la vaccination largement surpassent les risques.