En plein cœur de l’été, alors que Saint-Tropez vibre au rythme des yachts, des terrasses animées et des festivals, un incident soudain vient troubler l’apparente légèreté de la saison. Ce n’est ni un feu d’artifice ni une fête privée, mais un vol à l’arraché qui, en quelques secondes, révèle les tensions souterraines entre criminalité organisée, luxe et sécurité sur la Côte d’Azur. Ce fait divers, rapidement maîtrisé, ouvre une fenêtre inattendue sur les rouages du grand banditisme corse et ses interactions avec des groupes criminels étrangers. Au-delà du spectacle, il interroge sur les stratégies de prévention, les réactions des victimes atypiques et les nouvelles méthodes policières face à des menaces mobiles et transnationales.
Quel est le contexte du vol à Saint-Tropez ?
Le dimanche après-midi, alors que les rues de Saint-Tropez grouillent de touristes en maillot de bain et de badauds attirés par les tournois de pétanque, Joseph Menconi, homme d’affaires à l’allure discrète, participe à une partie amicale près de la place des Lices. Vêtu d’un polo clair et d’une montre d’exception au poignet, il incarne ce mélange de richesse ostensible et de retenue typique de la bourgeoisie locale. Ce jour-là, la Richard Mille qu’il porte, estimée à plus de 300 000 euros, attire l’attention de quatre individus venus de Naples. Leur mode opératoire est rapide, presque chirurgical : un mouvement coordonné, une main qui saisit, un retrait en quelques secondes. Aucune violence directe, mais une précision qui trahit une préparation minutieuse. Ce vol, perpétré en plein jour, illustre la vulnérabilité des lieux touristiques prisés, où l’affluence devient un atout pour les criminels.
Le choix de Saint-Tropez n’est pas anodin. Symbole de l’opulence estivale, la ville concentre des fortunes visibles, des célébrités et des objets de luxe facilement monnayables. Les montres haut de gamme, en particulier les Richard Mille, sont devenues des trophées convoités pour leur valeur, leur rareté et leur traçabilité relative sur les marchés parallèles. Les équipes itinérantes, souvent issues de réseaux napolitains, profitent de la densité humaine pour frapper vite et disparaître. Pourtant, cette fois, la fuite n’a pas duré longtemps.
Comment la police a-t-elle réagi ?
Dès le signalement du vol par Joseph Menconi, les forces de l’ordre locales se sont mobilisées avec une rapidité remarquable. Grâce à un dispositif de vidéosurveillance renforcé en période estivale, les caméras de la ville ont capté les allées et venues des suspects. Le croisement des images, des données téléphoniques et des témoignages a permis de localiser les individus en moins de trente minutes. Une patrouille mobile les a interpellés alors qu’ils tentaient de rejoindre une voiture de location garée près du port.
La récupération de la montre, réalisée en quarante-cinq minutes seulement, a surpris autant les autorités que les habitants. Ce succès n’est pas le fruit du hasard, mais d’un système rodé. Depuis plusieurs années, les services du Var ont mis en place un dispositif de « réponse éclair » pour les délits opportunistes en zone touristique. Des équipes spécialement formées, dotées d’un accès direct aux flux de vidéosurveillance et aux bases de données nationales, interviennent en temps réel. En période de haute saison, des renforts sont déployés, et des points de repli stratégiques sont surveillés en permanence. Ce système, combiné à une coordination renforcée avec les polices italiennes, explique l’efficacité observée dans cette affaire.
Qui est Joseph Menconi, la victime ?
Joseph Menconi, 58 ans, est un personnage complexe dans le paysage corse. Originaire de Bastia, il a bâti une réputation ambiguë au fil des décennies. Connu pour avoir été impliqué dans des braquages de fourgons dans les années 1990, il a depuis opéré un virage vers une légalité affichée. Aujourd’hui, il dirige plusieurs entreprises dans le secteur de l’immobilier et du tourisme, et participe régulièrement à des événements locaux comme les concours de pétanque, qui servent aussi de lieux de sociabilité informelle.
Ce qui frappe dans son témoignage, c’est son calme et son refus de toute forme de règlement de comptes. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un ancien acteur du grand banditisme corse, Menconi n’a pas cherché à recourir à des moyens parallèles. « Je ne veux plus de cette vie-là », confie-t-il à un journaliste du Parisien sur les marches du tribunal. « Ce qui m’arrive, c’est une épreuve, mais ces hommes, ils ont peut-être fait des mauvais choix, comme j’en ai fait. » Une déclaration qui surprend, mais qui s’inscrit dans une stratégie personnelle de désengagement des circuits illégaux.
Quels sont les suspects et leurs profils ?
Les quatre individus interpellés, tous originaires de Naples, ont des casiers judiciaires longs et spécialisés. Ils appartiennent à un réseau italien connu pour ses opérations rapides sur la Côte d’Azur et en Corse. Leur mode opératoire est bien rodé : repérage des cibles pendant les événements publics, frappe en groupe, fuite immédiate vers des zones de repli. L’un d’eux, Francesco Rinaldi, avait déjà été repéré à Cannes l’année précédente lors d’un vol similaire. Bien que la montre n’ait pas été récupérée à l’époque, les services français avaient conservé ses empreintes numériques via les caméras.
Leur arrestation a été facilitée par des échanges en italien captés par des témoins juste après le vol. « Non c’è problema », aurait lancé l’un d’eux, tandis qu’un autre aurait répondu « forza ». Ces bribes, relayées par des passants, ont été cruciales pour orienter l’enquête. Elles ont confirmé l’origine du groupe et son état d’esprit : une certaine désinvolture, presque de la provocation, typique de criminels habitués à opérer dans l’impunité.
Quel a été le déroulé judiciaire ?
Jeudi, le tribunal de Draguignan a entendu les quatre prévenus dans une audience tendue mais rapide. La qualification de « vol en bande organisée » a été retenue, ce qui implique une peine maximale de dix ans de prison et des circonstances aggravantes. Les preuves, solides, incluent les vidéos, les témoignages, les écoutes téléphoniques et la reconnaissance formelle de la montre par son propriétaire.
Le parquet a requis la détention provisoire, arguant d’un risque de fuite élevé et de liens avérés avec des réseaux criminels transnationaux. Le juge a suivi cette demande, et les quatre hommes sont désormais incarcérés dans une maison d’arrêt du Var, en attente de leur procès, prévu en octobre. Cette décision vise aussi à protéger l’enquête en cours, notamment sur les circuits de revente potentiels de la montre. Selon des sources proches du dossier, des contacts auraient été établis avec un receleur basé à Marseille, spécialisé dans les montres de luxe volées.
Que révèle cette affaire sur le grand banditisme corse ?
Le cas Menconi est emblématique d’une mutation en cours. Le grand banditisme corse, longtemps cloisonné, discret, fondé sur des codes d’honneur et des règlements de comptes internes, entre en collision avec une criminalité plus mobile, plus brutale, sans attaches locales. Les groupes italiens, eux, n’ont ni loyauté ni respect pour ces traditions. Ils viennent, frappent, repartent, sans s’embarrasser de l’histoire du lieu.
Pour Élodie Ferroni, criminologue spécialisée dans les phénomènes transfrontaliers, « cette affaire montre que la Côte d’Azur est devenue un terrain de jeu pour des équipes itinérantes qui exploitent la saisonnalité. Le grand banditisme corse, lui, est en train de se recomposer : certains acteurs cherchent à s’intégrer, d’autres résistent, d’autres encore basculent dans des activités plus légales ». Menconi incarne cette ambiguïté : ancien braqueur, victime d’un vol, mais aussi homme qui choisit de coopérer avec la justice. Son attitude tranche avec celle d’autres figures passées, qui auraient pu organiser une riposte parallèle.
Quels sont les enseignements pour la sécurité publique ?
L’affaire démontre l’efficacité d’un système de sécurité intégré, où les outils technologiques, la coordination inter-services et la vigilance citoyenne jouent un rôle clé. La rapidité de la réponse policière a non seulement permis de récupérer le bien volé, mais aussi de dissuader d’éventuelles imitations. « Quand les groupes voient que l’action est sanctionnée en moins d’une heure, ils réfléchissent à deux fois », explique un officier de la police nationale basé à Toulon.
Par ailleurs, la coopération transfrontalière s’est renforcée ces dernières années. Des accords de partage d’informations entre la France et l’Italie permettent désormais de croiser des données sur des individus fichés dans plusieurs pays. Ce type de collaboration a été déterminant dans l’identification des suspects napolitains.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Le procès, fixé à octobre, devrait permettre de clarifier les rôles exacts de chacun des quatre prévenus. L’enquête continue également sur les filières de revente : les autorités cherchent à identifier les intermédiaires potentiels et à comprendre comment une montre aussi reconnaissable peut être écoulée. La traçabilité des pièces, notamment via les numéros de série et les bases de données des fabricants, devient un outil majeur de lutte contre ce type de vol.
En parallèle, les services du Var prévoient de renforcer leur dispositif pour l’été prochain. Des patrouilles ciblées, des points d’information pour les touristes et une application mobile de signalement en temps réel sont à l’étude. L’objectif : transformer chaque citoyen en acteur de la sécurité, sans pour autant altérer l’atmosphère festive de la région.
A retenir
Quel est le rôle de la traçabilité dans la récupération des biens volés ?
La traçabilité des montres de luxe, notamment via leurs numéros de série et les bases de données des fabricants, joue un rôle de plus en plus central. Elle permet aux forces de l’ordre de vérifier rapidement l’authenticité d’un objet retrouvé et de le restituer à son propriétaire. Dans cette affaire, la Richard Mille a pu être identifiée en quelques minutes grâce à ces systèmes.
Pourquoi les groupes étrangers ciblent-ils la Côte d’Azur ?
La concentration de richesse, la densité touristique et la visibilité des biens de luxe en font une cible privilégiée. Les groupes italiens, en particulier, profitent de la mobilité et de l’anonymat offerts par les grandes villes côtières pour mener des opérations rapides et ciblées.
Joseph Menconi a-t-il des liens avérés avec la Brise de mer ?
Bien que son nom ait été cité dans plusieurs dossiers liés à la Brise de mer, une organisation criminelle corse active depuis les années 1970, aucune condamnation formelle ne le relie directement à son leadership. Ses activités passées restent entourées de zones d’ombre, mais son comportement récent suggère une volonté de rupture avec ces réseaux.
La détention provisoire est-elle systématique dans ce type d’affaire ?
Non, mais elle l’est lorsque le parquet estime qu’il existe un risque de fuite, de pression sur les témoins ou de poursuite d’activités criminelles. Dans ce dossier, les liens transnationaux des suspects ont pesé dans la décision du juge.
Le grand banditisme corse est-il en déclin ?
Il ne disparaît pas, mais il évolue. Certains acteurs s’intègrent dans des circuits économiques légaux, d’autres sont marginalisés par des groupes étrangers plus agressifs. La réponse des institutions, de plus en plus efficace, contribue également à réduire leur marge de manœuvre.