Le marché immobilier français, en perpétuelle transformation, impose aujourd’hui aux propriétaires une vigilance accrue face à des réglementations de plus en plus exigeantes. Alors que la location traditionnelle est déjà encadrée par un cadre juridique précis, une nouvelle obligation s’impose désormais à ceux qui se tournent vers la location de courte durée. Ce changement, loin d’être anodin, réécrit en partie les règles du jeu pour des milliers de bailleurs, particuliers comme professionnels. Derrière ces textes de loi se joue une ambition nationale : réduire l’empreinte énergétique du parc immobilier, tout en garantissant un cadre de vie décent pour les locataires. Mais comment cette nouvelle norme impacte-t-elle concrètement les propriétaires ? Et quels ajustements doivent-ils opérer dès maintenant pour rester dans la légalité ?
Quelles sont les obligations fondamentales du propriétaire en France ?
Être propriétaire, c’est assumer une série de responsabilités qui s’étendent bien au-delà de la simple perception d’un loyer. La loi impose un cadre clair pour protéger les locataires, mais aussi pour encadrer l’action des bailleurs. Le contrat de location, qu’il soit meublé ou vide, est le socle de cette relation. Il fixe non seulement le montant du loyer et la durée du bail, mais aussi les modalités de révision, les charges locatives et les obligations réciproques des deux parties.
Le propriétaire doit garantir la jouissance paisible du logement. Cela signifie que le bien doit être décent, c’est-à-dire répondre à des critères minimaux en matière de superficie, d’aération, d’éclairage, d’assainissement et d’alimentation en eau potable. Un logement insalubre ou non conforme peut entraîner des sanctions, voire l’interdiction d’habiter les lieux. En 2023, près de 400 000 logements en France étaient encore considérés comme indignes, selon les rapports de l’Anah.
Un exemple parlant est celui de Clara Lefebvre, propriétaire à Lyon, qui a dû faire face à une mise en demeure après qu’un locataire a signalé une fuite d’eau chronique et une isolation défaillante. « Je pensais que tant que le loyer était payé, tout allait bien », confie-t-elle. « Mais j’ai appris à mes dépens que la loi ne plaisante pas avec la décence. J’ai dû investir 8 000 euros en travaux en urgence. »
Qu’est-ce que le diagnostic de performance énergétique (DPE) et pourquoi est-il devenu obligatoire ?
Le DPE, ou diagnostic de performance énergétique, est un document qui évalue la consommation d’énergie d’un logement ainsi que ses émissions de gaz à effet de serre. Il attribue une note, de A (très performant) à G (très énergivore). Depuis plusieurs années, ce diagnostic est obligatoire pour les locations de longue durée. Mais depuis peu, il s’étend aussi aux locations de courte durée, comme celles proposées sur Airbnb, Abritel ou d’autres plateformes numériques.
Cette extension répond à une volonté politique claire : lutter contre les passoires thermiques. En effet, de nombreux biens proposés à la location saisonnière, souvent anciens et mal isolés, contribuent significativement à la consommation énergétique nationale. Le gouvernement a donc décidé d’inscrire ces logements dans le même cadre que les baux classiques.
La loi prévoit un calendrier progressif : à partir de 2025, les logements classés G seront interdits à la location, qu’elle soit saisonnière ou non. En 2028, ce sera au tour des logements classés F, puis E en 2034. Cette escalade réglementaire vise à pousser les propriétaires à moderniser leurs biens, plutôt qu’à les laisser se dégrader.
En pratique, le DPE doit être réalisé par un diagnostiqueur certifié, formé et accrédité. Il inspecte l’isolation, le système de chauffage, la ventilation, les fenêtres, et calcule la consommation théorique du logement. Le document est valable dix ans, sauf en cas de travaux majeurs.
Quelles sanctions en cas de non-respect de la nouvelle réglementation ?
Ignorer cette obligation n’est pas sans risque. La loi prévoit des sanctions financières dissuasives : une amende de 100 euros par jour de location illégale, sans plafond. Cela peut rapidement devenir une charge considérable, surtout pour des propriétaires qui louent régulièrement.
En 2023, un propriétaire à Bordeaux, Julien Mercier, a été condamné à payer plus de 3 000 euros d’amende après avoir continué à proposer son appartement sur Airbnb sans DPE. « Je pensais que cette règle ne s’appliquait qu’aux baux de plus de trois mois », explique-t-il. « Mais les agents de contrôle ont vérifié mes annonces en ligne, et ils ont pu prouver que j’étais en infraction. »
En plus des amendes, les plateformes de location comme Airbnb peuvent être tenues de retirer les annonces non conformes. Certaines ont déjà commencé à intégrer des systèmes de vérification automatique, demandant aux hôtes de fournir leur DPE avant de publier ou de maintenir une annonce en ligne.
Le risque n’est pas seulement financier. Un logement mal isolé, énergivore, peut aussi nuire à la réputation du propriétaire. Les voyageurs sont de plus en plus sensibles aux questions environnementales. Un classement DPE en bas de tableau peut décourager les réservations, même si le bien est bien situé ou joliment décoré.
Quel est le coût réel du DPE pour les propriétaires ?
Le diagnostic lui-même coûte entre 100 et 250 euros, selon la taille du logement, sa localisation et le diagnostiqueur choisi. Ce montant, bien que modeste, s’ajoute à d’autres frais obligatoires comme l’état des lieux ou le diagnostic amiante.
Mais le vrai coût, c’est souvent celui des travaux nécessaires pour améliorer le DPE. Remplacer des fenêtres simples vitrages par du double vitrage, isoler les combles, changer une vieille chaudière au fioul contre une pompe à chaleur, ou encore rénover l’isolation des murs : ces interventions peuvent coûter plusieurs milliers d’euros.
C’est le cas d’Élodie Toussaint, propriétaire d’un gîte rural en Normandie. Après avoir obtenu un DPE classé F, elle a dû investir 15 000 euros pour isoler les murs, remplacer le chauffage et installer des volets isolants. « C’était un choc au début », admet-elle. « Mais depuis, mes factures d’électricité ont baissé de 40 %, et mes clients laissent des avis plus positifs sur le confort thermique. »
Le gouvernement incite toutefois ces travaux via des aides comme MaPrimeRénov’, les certificats d’économies d’énergie (CEE), ou l’éco-prêt à taux zéro. En combinant ces dispositifs, certains propriétaires parviennent à réduire leurs dépenses de moitié, voire plus.
Comment se préparer efficacement à cette nouvelle obligation ?
La première étape est simple : faire réaliser un DPE par un professionnel certifié. Il est recommandé de le faire bien avant la saison de location, surtout si le bien est ancien. Ensuite, analyser le rapport pour identifier les points faibles : est-ce l’isolation ? le système de chauffage ? la ventilation ?
Une fois les axes d’amélioration identifiés, il est judicieux de faire appel à un conseiller en rénovation énergétique, par exemple via France Rénov’. Ce service public aide à établir un plan de travaux cohérent, priorise les actions les plus efficaces, et guide dans les démarches de subventions.
Il est aussi possible de commencer par des actions simples et peu coûteuses : installer des thermostats intelligents, boucher les fuites d’air, poser des rideaux thermiques, ou remplacer les ampoules par du LED. Ces gestes, s’ils ne changent pas radicalement le DPE, montrent une volonté d’amélioration et peuvent faire gagner un ou deux points.
Pour les propriétaires qui louent plusieurs biens, comme des chaînes de gîtes ou des appartements en ville, il est conseillé de créer un calendrier de rénovation sur plusieurs années. Cela permet de lisser les coûts et d’éviter les mauvaises surprises.
Au-delà des contraintes administratives, cette obligation participe à une transformation profonde du parc immobilier français. Selon l’Ademe, les bâtiments résidentiels représentent près de 25 % des émissions de CO2 en France. Améliorer leur performance énergétique est donc un levier majeur dans la lutte contre le changement climatique.
En outre, des logements mieux isolés et plus efficaces offrent un meilleur confort aux locataires. Moins de courants d’air, des températures stables, une qualité d’air améliorée : autant d’éléments qui renforcent l’attractivité du bien.
Le cas de Samir Bendjelloul, propriétaire d’un studio à Marseille, illustre bien cette double bénéfice. Après avoir isolé les murs et changé le chauffe-eau, son DPE est passé de G à D. « Mes locataires, souvent des étudiants ou des touristes, me disent maintenant qu’ils dorment mieux, qu’il fait bon en hiver », raconte-t-il. « Et moi, je paie 300 euros de moins par an en électricité. »
Quelles sont les perspectives d’avenir pour les locations saisonnières ?
Le durcissement de la réglementation ne devrait pas s’arrêter au DPE. D’autres mesures sont envisagées, comme l’obligation d’équipements de ventilation mécanique contrôlée (VMC) ou la limitation du nombre de locations par an dans certaines zones tendues.
Par ailleurs, la traçabilité des revenus locatifs devient de plus en plus stricte. Les plateformes sont tenues de transmettre des données fiscales aux impôts, ce qui rend plus difficile l’omission de revenus.
Pour les propriétaires, l’avenir passe par une gestion plus professionnelle de leurs biens. Ceux qui anticipent les évolutions réglementaires, investissent dans la qualité et la durabilité, se positionnent comme des acteurs sérieux sur un marché de plus en plus concurrentiel.
A retenir
Le DPE est-il obligatoire pour toutes les locations saisonnières ?
Oui, depuis 2023, tout propriétaire qui propose un logement en location de courte durée, notamment via des plateformes numériques, doit fournir un DPE valide. Cette obligation s’applique même aux locations de quelques jours.
Quelles sont les classes DPE interdites à la location ?
À partir de 2025, les logements classés G seront interdits à la location. Les classes F et E seront progressivement exclues en 2028 et 2034 respectivement, pour les baux de longue durée et les locations saisonnières.
Que risque un propriétaire sans DPE ?
Il peut être sanctionné par une amende de 100 euros par jour de location illégale. De plus, son annonce peut être retirée par la plateforme, et il risque des contrôles fiscaux ou administratifs.
Combien coûte un DPE ?
Entre 100 et 250 euros, selon la taille du logement et le diagnostiqueur. Ce coût est à la charge du propriétaire, mais il peut être amorti par des économies d’énergie à long terme.
Peut-on améliorer le DPE sans gros travaux ?
Oui, certaines actions simples comme l’installation de thermostats, la réparation des fuites d’air ou le remplacement d’appareils électriques anciens peuvent améliorer légèrement la performance. Toutefois, pour un gain significatif, des travaux d’isolation ou de chauffage sont souvent nécessaires.
Conclusion
La généralisation du DPE aux locations saisonnières marque une étape importante dans la transition énergétique du secteur immobilier. Ce n’est pas seulement une contrainte administrative, mais une opportunité pour moderniser le parc, réduire les coûts énergétiques et offrir un meilleur confort aux locataires. Les propriétaires qui s’adaptent tôt à cette nouvelle réalité se positionnent non seulement à l’abri des sanctions, mais aussi comme des acteurs responsables et compétitifs sur un marché en mutation. La clé du succès ? L’anticipation, la planification, et une vision à long terme de la valeur de son bien.