La sfogliatella de Naples : un trésor culinaire aux saveurs d’Italie en 2025

À Naples, chaque rue, chaque coin de trottoir semble exhaler une promesse de plaisir gustatif. L’air est parfois lourd, chargé d’humidité méditerranéenne, mais il suffit qu’un souffle de vent porte l’odeur chaude et sucrée de la sfogliatella pour que la ville entière semble s’illuminer. Cette pâtisserie, à la forme si singulière qu’elle évoque les spirales d’un coquillage ou les pétales d’une fleur ouverte, n’est pas seulement un dessert : elle est un récit vivant, une mémoire collective, un acte de résistance douce contre l’uniformisation de la gastronomie mondiale. À travers ses couches de pâte feuilletée et sa farce parfumée, la sfogliatelle raconte l’âme de Naples, entre foi, tradition et inventivité.

Qu’est-ce que la sfogliatella, ce joyau de la pâtisserie napolitaine ?

La sfogliatella est une pâtisserie italienne originaire de la région de Campanie, dont la ville de Naples est le cœur battant. Elle se distingue par sa texture exceptionnelle : une pâte feuilletée, souvent qualifiée de « millefeuille naturel », qui craque sous la dent et libère une garniture onctueuse et aromatique. La recette classique repose sur un mélange subtil de ricotta fraîche, de sucre, de zeste de citron ou d’orange confite, parfois rehaussé de cannelle ou de vanille. Le résultat est un équilibre parfait entre le croquant et le moelleux, entre l’acidité légère des agrumes et la douceur lactée de la ricotta.

Il existe deux versions principales de la sfogliatella, chacune ayant ses fidèles adeptes. La sfogliatella riccia, la plus célèbre, est reconnaissable à ses fines couches de pâte superposées, obtenues par un laminage méticuleux. Elle demande plusieurs heures de travail, tant la pâte doit être étirée, repliée, puis enroulée avec précision. La sfogliatella frolla, quant à elle, utilise une pâte sablée plus simple à manipuler, proche de celle d’un biscuit. Moins technique, elle séduit par son côté rustique et réconfortant, comme un héritage domestique transmis de génération en génération.

Quelle est l’origine historique de cette pâtisserie emblématique ?

Le berceau de la sfogliatella se trouve non pas à Naples elle-même, mais sur la côte amalfitaine, dans le monastère de Santa Rosa à Conca dei Marini, au XVIIe siècle. Selon la légende, c’est une nonne, sœur **Pascalina**, qui aurait imaginé cette pâtisserie en utilisant des restes de pâte et de ricotta. À l’époque, les couvents jouaient un rôle central dans la préservation des savoir-faire culinaires, souvent en lien avec les cycles liturgiques et les fêtes religieuses. La sfogliatella, initialement confectionnée pour célébrer la fête de la Sainte-Rose, était alors un secret bien gardé par les religieuses.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que la recette sort des murs du monastère. En 1840, un pâtissier napolitain, **Pasquale Pintauro**, acquiert les droits de la recette et l’introduit dans sa boutique du centre-ville. Il l’adapte légèrement, la rend plus accessible, et la sfogliatella commence à conquérir les palais des Napolitains. Ce passage du cloître à la rue symbolise une transformation plus large : la cuisine monastique, autrefois réservée aux élites ou aux célébrations sacrées, devient populaire, accessible à tous.

Comment la sfogliatella incarne-t-elle l’âme napolitaine ?

À Naples, la nourriture n’est jamais qu’un simple repas. Elle est un langage, une forme de résistance, une manière de dire « je suis là ». La sfogliatella, dans sa complexité et sa beauté fragile, reflète cette philosophie. Elle est le fruit d’un travail patient, presque contemplatif, qui exige du temps, de la minutie, et surtout, du respect pour la tradition.

Comme le raconte **Antonio Esposito**, ancien professeur d’histoire locale : « La sfogliatella, c’est le Napoli d’avant les bombes, d’avant le tourisme de masse. C’est le Napoli des ruelles étroites, des conversations sur les seuils de porte, du café bu debout au comptoir. Quand tu manges une sfogliatella fraîchement sortie du four, tu goûtes à une forme de résilience. »

En effet, malgré les crises économiques, les transformations urbaines, et les influences extérieures, la sfogliatella demeure un pilier de la vie quotidienne. Elle accompagne les petits déjeuners, les pauses-café, les visites familiales. Elle est aussi présente lors des événements marquants : naissances, mariages, deuils. Dans certaines familles, il est coutume d’offrir des sfogliatelle aux voisins après un décès, comme un geste de partage et de solidarité.

Qui sont les gardiens de cette tradition aujourd’hui ?

Derrière chaque sfogliatella parfaite se cache souvent une histoire de transmission. **Maria Ricciardi**, 58 ans, tient une petite pâtisserie dans le quartier de Quartieri Spagnoli. Depuis trente ans, elle se lève chaque jour à 4 heures du matin pour préparer ses pâtisseries selon la recette de sa grand-mère, transmise oralement, sans jamais être écrite.

« Quand je plie la pâte, explique-t-elle, mes mains savent ce qu’elles doivent faire. Ce n’est pas de la mémoire musculaire, c’est de la mémoire du cœur. Ma nonna disait que chaque couche de pâte doit raconter une histoire. Si tu la fais trop vite, tu perds l’âme du dessert. »

Son atelier, à peine plus grand qu’un salon, est un lieu de passage pour les habitants du quartier. Les clients ne viennent pas seulement pour acheter, mais pour parler, rire, parfois pleurer. Maria connaît les prénoms des enfants, les maladies des grands-parents, les projets des jeunes. « Ici, dit-elle, on ne vend pas juste des pâtisseries. On vend de la chaleur humaine. »

Quelles sont les variantes modernes de la sfogliatella ?

Si la recette traditionnelle conserve toute sa noblesse, la sfogliatella n’est pas figée. Elle évolue, s’adapte, se réinvente. Dans les pâtisseries les plus innovantes de Naples, on trouve désormais des versions au chocolat noir, à la noisette, ou même à la pistache de Bronte. D’autres, plus audacieuses, intègrent des notes salées, comme du parmesan ou des herbes fraîches, pour surprendre le palais.

À l’international, les chefs s’emparent de la sfogliatella avec respect et fantaisie. À New York, **Luca De Angelis**, un pâtissier napolitain expatrié, propose une « sfogliatella expresso » : une garniture à base de mascarpone, de café torréfié et de zeste d’orange amère. « Je ne trahis pas la tradition, affirme-t-il. Je la dialogue avec mon parcours. Naples est une ville ouverte, cosmopolite. Sa cuisine aussi doit l’être. »

En France, à Lyon, la pâtissière **Élodie Moreau** a imaginé une version végétale, utilisant de la ricotta de soja et des agrumes bio. « Ce n’est pas la même texture, reconnaît-elle, mais l’esprit est là : une pâtisserie qui surprend, qui touche, qui raconte. »

Comment la sfogliatella traverse-t-elle les frontières ?

La popularité de la sfogliatella ne se limite plus à l’Italie. Partout dans le monde, des boulangeries artisanales s’inspirent de cette spécialité, la proposant parfois sous le nom de « coquille napolitaine » ou « millefeuille sicilien », parfois avec des approximations regrettables. Mais même dans ces versions lointaines, on sent l’empreinte de Naples.

À Tokyo, dans un petit quartier de Shibuya, **Chiara Tanaka**, d’origine italienne et japonaise, a ouvert « La Conchiglia », une pâtisserie entièrement dédiée aux spécialités napolitaines. « Ici, les gens ne connaissent pas Naples, dit-elle. Mais quand ils goûtent une sfogliatella riccia, fraîche, chaude, avec ce bruit de feuilletage qui explose sous la dent… leurs yeux s’écarquillent. C’est un moment de grâce. »

La diffusion mondiale de la sfogliatella pose toutefois des questions. Faut-il standardiser la recette pour la rendre plus accessible ? Ou au contraire, la protéger comme un bien culturel ? En 2022, un collectif de pâtissiers napolitains a lancé une pétition pour obtenir le label IGP (Indication Géographique Protégée) pour la sfogliatella riccia. Le débat est vif : certains y voient une forme de protection nécessaire, d’autres une bureaucratie qui risque d’étouffer la créativité.

Quel avenir pour la sfogliatella dans un monde en mutation ?

La sfogliatella est à un carrefour. D’un côté, la demande croissante de produits artisanaux, authentiques, locaux. De l’autre, la pression du marché, de la production de masse, de la vitesse. Pourtant, son avenir semble assuré, tant elle incarne une valeur que peu de pâtisseries possèdent : celle de l’émotion.

Comme le souligne **Raffaele Ferrara**, ethnologue spécialiste de la cuisine méditerranéenne : « La sfogliatella n’est pas une pâtisserie que l’on mange. C’est une pâtisserie que l’on ressent. Elle touche à la mémoire sensorielle, à l’enfance, à la nostalgie. Et tant que les gens auront besoin de se souvenir, elle existera. »

Dans les écoles de pâtisserie de Naples, les jeunes apprennent désormais non seulement la technique, mais aussi l’histoire, la symbolique, l’éthique derrière chaque geste. On leur enseigne que faire une sfogliatella, c’est plus qu’un métier : c’est un acte de foi en la culture, en la communauté, en l’héritage.

A retenir

Quelle est la différence entre sfogliatella riccia et frolla ?

La sfogliatella riccia est feuilletée, avec une pâte très fine et croustillante, obtenue par un laminage long et complexe. La sfogliatella frolla utilise une pâte sablée, plus dense et friable, similaire à celle d’un biscuit. La riccia est plus technique, la frolla plus accessible, mais les deux sont appréciées selon les préférences et les occasions.

Peut-on faire des sfogliatelle à la maison ?

Oui, mais la version riccia est particulièrement exigeante. Elle nécessite une grande patience, une bonne maîtrise du laminoir ou du rouleau, et un four bien réglé. La version frolla est plus adaptée aux cuisiniers débutants. L’essentiel est de travailler la pâte avec soin et de ne pas sacrifier la qualité des ingrédients, notamment la ricotta, qui doit être fraîche et de bonne texture.

Pourquoi la sfogliatella est-elle si importante à Naples ?

Elle incarne bien plus qu’un dessert. Elle symbolise la transmission familiale, la créativité populaire, et la résilience culturelle. Elle est présente dans les moments de joie comme dans ceux de tristesse, et occupe une place centrale dans l’imaginaire collectif napolitain.

Existe-t-il une version végétalienne de la sfogliatella ?

Oui, plusieurs pâtissiers expérimentent avec des alternatives à la ricotta animale, utilisant des bases de soja, d’amande ou de noix de cajou. Ces versions, bien que différentes en texture, cherchent à préserver l’équilibre aromatique entre agrumes, sucre et onctuosité.

La sfogliatella peut-elle être protégée comme un patrimoine culturel ?

Des démarches sont en cours pour obtenir une reconnaissance officielle, notamment via un label IGP. Ce statut permettrait de protéger la recette traditionnelle et de garantir son origine, tout en soutenant les artisans locaux face à la production industrielle.