Une erreur de calcul prive ce couple de 300 € par mois depuis 2025 — leur vie bouleversée

En France, chaque année, des milliers de personnes se retrouvent confrontées à des décisions cruciales concernant la gestion de biens immobiliers dans le cadre de successions familiales. Ces situations, souvent chargées d’émotions, soulèvent des enjeux juridiques complexes, notamment lorsqu’un héritier souhaite rester dans une maison appartenant à la communauté successorale. L’un des mécanismes les plus débattus à ce sujet est l’occupation d’un bien en l’absence d’indivision formalisée ou de règlement clair : le droit d’habitation, distinct de l’occupation illicite, peut-il être revendiqué légitimement ? Et que se passe-t-il lorsqu’un occupant refuse de quitter les lieux, invoquant des raisons sentimentales ou pratiques ? À travers des cas concrets, des analyses juridiques et des témoignages, cet article explore les contours de cette situation délicate, où droit, équité et sentiments s’entremêlent.

Qu’est-ce que le droit d’habitation dans une succession ?

Le droit d’habitation est un droit réel qui permet à une personne d’occuper un bien immobilier sans en être propriétaire. Il est encadré par le Code civil, notamment aux articles 625 et suivants. Contrairement à une simple tolérance d’occupation, ce droit peut être attribué par testament, par décision de justice ou par accord entre héritiers. Il est strictement personnel et ne peut être cédé ni transmis à un tiers. Lorsqu’il est reconnu, l’occupant peut vivre dans le logement sans payer de loyer, mais reste responsable des charges d’entretien courant, comme le chauffage ou les petits travaux de maintenance.

Camille Lefebvre, notaire à Lyon, explique : « Le droit d’habitation est un outil utile pour préserver la paix familiale. Il permet, par exemple, à un conjoint survivant de rester dans la maison familiale sans bloquer la vente ou la redistribution du bien. Mais il doit être clairement établi. En l’absence de formalisation, on entre dans une zone grise. »

Quand l’occupation devient-elle illégale ?

Il arrive fréquemment qu’un héritier s’installe dans un bien en attendant la liquidation de la succession, parfois pendant des années. Si cette occupation n’est pas encadrée par un droit d’habitation ou un accord notarié, elle peut être qualifiée d’occupation illicite. Dans ce cas, les autres copropriétaires peuvent exiger le départ de l’occupant et réclamer des indemnités d’occupation, c’est-à-dire une compensation financière équivalente à la valeur locative du bien.

Le cas de Thomas Rivière, héritier d’une maison à Bordeaux, illustre cette situation. Après le décès de ses parents, il a continué à vivre dans la maison familiale, arguant qu’il en avait besoin pour élever ses enfants. Ses deux sœurs, installées à l’étranger, souhaitaient vendre le bien. « Je pensais que mon lien affectif avec la maison justifiait ma présence », raconte-t-il. « Mais un jour, j’ai reçu une lettre de leur avocat exigeant mon départ et réclamant 300 euros par mois d’indemnités. J’ai été sonné. »

Effectivement, la jurisprudence est claire : l’attachement sentimental ou la proximité géographique ne suffisent pas à légitimer une occupation prolongée sans fondement juridique. La Cour de cassation a régulièrement rappelé que chaque copropriétaire a un droit égal à jouir du bien, et qu’un occupant seul ne peut s’approprier ce droit au détriment des autres.

Comment est calculée l’indemnité d’occupation ?

L’indemnité d’occupation vise à rétablir un équilibre entre les héritiers. Elle est calculée sur la base de la valeur locative du bien, c’est-à-dire le montant qu’un locataire aurait payé sur le marché. Ce montant peut être déterminé par expertise, comparaison avec des biens similaires ou estimation notariale. Il est ensuite réparti entre les copropriétaires, et l’occupant doit verser aux autres la part correspondant à leurs droits.

Par exemple, si un bien vaut 600 euros par mois en location et qu’il appartient à trois héritiers à parts égales, l’occupant devra verser 400 euros par mois aux deux autres (200 euros chacun). Ce calcul peut être rétroactif, ce qui surprend souvent les intéressés.

Élodie Marchand, avocate spécialisée en droit immobilier, précise : « Beaucoup d’héritiers ne réalisent pas qu’ils accumulent des dettes dès le moment où ils s’installent sans accord. Une occupation de trois ans sans paiement peut représenter des dizaines de milliers d’euros dus. C’est un choc financier, mais aussi moral. »

Peut-on occuper un bien gratuitement si on en assume l’entretien ?

Certains héritiers estiment que leur contribution aux travaux ou aux charges justifie une occupation gratuite. Pourtant, la jurisprudence distingue clairement les charges d’entretien des droits de jouissance. Assumer les réparations ou les impôts locaux ne dispense pas de l’obligation de payer une indemnité d’occupation, sauf accord contraire entre les parties.

Le cas de Julien et Céline Berthier, frère et sœur héritiers d’une villa à Nice, en est un exemple. Julien a vécu dans la maison pendant cinq ans, a refait la toiture et modernisé la cuisine. Il pensait que ces dépenses compensaient son occupation. « Quand Céline a demandé une indemnité de 35 000 euros, j’ai refusé. J’ai dit : j’ai investi autant, voire plus. Mais le juge a tranché : les travaux sont une charge commune, pas un paiement de loyer. »

En revanche, les frais réels supportés peuvent être déduits ou pris en compte dans un règlement amiable. Un accord notarié peut ainsi prévoir une compensation croisée, où les dépenses d’un héritier sont imputées sur les indemnités dues.

Quelles sont les solutions pour éviter les conflits ?

La prévention reste la meilleure stratégie. Dès le début de la succession, les héritiers devraient établir un protocole d’accord, même informel, sur l’usage du bien. Ce document peut prévoir :

  • Un droit d’habitation temporaire ou permanent pour un héritier ;
  • Un calcul d’indemnité d’occupation clair ;
  • Un calendrier pour la vente ou la redistribution du bien.

Le recours à un notaire ou à un médiateur familial peut faciliter ces discussions. « Beaucoup de conflits naissent de malentendus ou de silences prolongés », observe Camille Lefebvre. « Un simple échange, encadré par un professionnel, peut éviter des procès coûteux. »

Le cas de la famille Charpentier, à Rennes, illustre cette approche. Après le décès de leur mère, les trois enfants ont rapidement organisé une réunion avec leur notaire. L’un d’eux, Marc, souhaitait rester dans la maison. Un accord a été signé : il obtient un droit d’habitation pour dix ans, en échange du versement d’une indemnité symbolique de 100 euros par mois à ses sœurs. « Cela nous a permis de préserver notre relation », témoigne sa sœur Sophie. « Aujourd’hui, on se parle encore. D’autres familles se sont déchirées pour moins que ça. »

Que faire en cas de refus de départ ?

Lorsqu’un occupant refuse de quitter les lieux malgré les demandes des autres copropriétaires, la voie judiciaire s’impose. La procédure commence par une mise en demeure, suivie d’une assignation devant le tribunal judiciaire. Le juge peut alors ordonner l’expulsion et condamner l’occupant à payer les indemnités réclamées.

Cependant, cette procédure peut être longue et coûteuse. Elle risque aussi d’aggraver les tensions familiales. Dans certains cas, le juge peut tempérer sa décision en tenant compte de la situation personnelle de l’occupant — âge, santé, ressources — mais cela reste exceptionnel.

Le cas de Nadia Kebir, 72 ans, est emblématique. Héritière à parts égales d’un appartement à Marseille avec son frère, elle y vivait depuis trente ans. Lui souhaitait vendre. Après deux ans de négociations vaines, il a intenté une action en expulsion. « J’ai perdu mon procès, raconte-t-elle. J’ai dû quitter l’appartement où j’avais élevé mes enfants. C’était comme perdre un membre de ma famille. »

Le tribunal a reconnu son droit à une indemnité d’occupation de 400 euros par mois depuis la succession, soit près de 10 000 euros dus. Une somme qu’elle a dû payer malgré sa retraite modeste.

Peut-on transformer l’occupation en achat ?

Oui, et c’est souvent la solution la plus équitable. L’héritier occupant peut racheter les parts des autres copropriétaires. Cette opération s’appelle un rachat de quote-part. Elle doit être formalisée par acte notarié, et le prix est généralement basé sur l’estimation du bien.

Le cas de Raphaël Moreau, à Grenoble, montre que cette solution est possible même dans des contextes tendus. Occupant seul une maison depuis sept ans, il a proposé à ses deux cousins de racheter leurs parts à 120 000 euros chacun. « C’était une somme importante, mais j’avais économisé, et j’ai obtenu un prêt. Aujourd’hui, je suis chez moi, sans dette envers ma famille. »

Il ajoute : « Cela m’a coûté cher, mais bien moins que ce que j’aurais dû en indemnités d’occupation. Et surtout, on a évité le tribunal. »

Quelles sont les alternatives à la vente ou à l’expulsion ?

Outre le rachat, d’autres solutions existent :

  • La mise en location du bien : les héritiers peuvent décider de louer le bien ensemble et se partager les revenus. L’occupant devient alors locataire, comme n’importe qui.
  • La constitution d’une SCI (société civile immobilière) : cela permet de gérer le bien collectivement, avec des règles définies à l’avance.
  • Le maintien d’un droit d’usage limité : par exemple, l’occupant conserve le droit d’y vivre six mois par an, le reste du temps le bien étant mis en location.

La famille Dubreuil, à Toulouse, a opté pour cette dernière solution. Après le décès de leur père, les trois frères et sœurs ont décidé que l’aînée, Clémence, pourrait occuper la maison deux trimestres par an. Le reste du temps, elle est louée en saisonnier. « Cela nous permet à tous de profiter du bien, sans contrainte », explique son frère Antoine. « Et on touche des revenus. »

Comment anticiper ces situations ?

La clé réside dans la planification successorale. Un testament bien rédigé peut prévoir un droit d’habitation pour un proche, évitant ainsi les conflits après le décès. Il peut aussi désigner un bien comme attribué en pleine propriété à un héritier, ce qui écarte toute indivision.

« Je conseille à mes clients de penser à ces questions bien avant leur décès », affirme Camille Lefebvre. « Un simple paragraphe dans un testament peut épargner des années de procès. »

Le témoignage de Lucien Vasseur, 82 ans, est édifiant. Il a rédigé son testament il y a dix ans, prévoyant que sa fille unique, Élise, hériterait du droit d’habitation sur la maison familiale, tandis que ses neveux recevraient des biens financiers. « Je voulais qu’elle soit tranquille, qu’elle ne soit pas chassée par des lois qu’elle ne comprendrait pas. Aujourd’hui, tout s’est passé en douceur. »

Conclusion

L’occupation d’un bien dans le cadre d’une succession n’est jamais neutre. Elle touche à la fois au droit, à la justice et aux émotions. Le droit d’habitation offre une protection légale, mais il doit être clairement établi. À défaut, l’occupant s’expose à des réclamations d’indemnités d’occupation, voire à une expulsion. Pour éviter les conflits, la communication, l’anticipation et le recours aux professionnels sont essentiels. Comme le montrent les témoignages, les solutions existent, mais elles exigent du dialogue, de la lucidité et parfois, de la générosité.

FAQ

Un héritier peut-il occuper un bien gratuitement s’il est le seul à y vivre ?

Non, sauf s’il bénéficie d’un droit d’habitation ou si un accord écrit l’exonère. À défaut, il doit verser une indemnité d’occupation aux autres copropriétaires.

Peut-on refuser de payer des indemnités d’occupation si on a fait des travaux ?

Les travaux d’entretien ou de rénovation ne dispensent pas automatiquement du paiement. Toutefois, ils peuvent faire l’objet d’un accord de compensation ou être pris en compte par le juge dans certaines situations.

Quelle est la durée maximale d’un droit d’habitation ?

Il peut être temporaire (par exemple, dix ans) ou viager (jusqu’au décès de l’occupant). Cela dépend des dispositions testamentaires ou de l’accord entre héritiers.

Peut-on expulser un occupant sans passer par un juge ?

Non. Même en cas d’occupation illicite, seul un jugement permet une expulsion légale. Toute tentative d’expulsion forcée est illégale et peut entraîner des poursuites.

Les indemnités d’occupation sont-elles imposables ?

Oui, les sommes reçues par les copropriétaires sont considérées comme des revenus fonciers et doivent être déclarées au fisc.

A retenir

Quel est le principal enseignement à tirer de ces situations ?

La clarté prévaut sur l’émotion. Sans accord écrit ou droit d’habitation formalisé, l’occupation d’un bien en succession est toujours risquée. Les attachements personnels ne remplacent pas les règles du droit. Anticiper, dialoguer et s’entourer de professionnels permet d’éviter les drames familiaux et les coûts imprévus.