Alors que les feuilles dorées tourbillonnent dans l’air frais de septembre 2025, les jardiniers observent avec attention les transformations de leur espace vert. Parmi les silhouettes familières des arbres, une présence discrète mais tenace attire le regard : le lierre, ce grimpant persistant aux feuilles lustrées, qui s’élève parfois jusqu’à couronner les plus hauts troncs. Entre admiration pour son aspect sauvage et inquiétude face à son expansion, une question revient chaque automne : faut-il l’éliminer ou l’accepter comme un élément naturel du jardin ? Pour y répondre, il est essentiel de comprendre son rôle réel, ses interactions avec les arbres et les bonnes pratiques d’entretien. À travers témoignages, observations scientifiques et conseils d’experts, découvrons comment vivre en harmonie avec cette plante trop souvent jugée sans nuance.
Le lierre est-il un allié ou un envahisseur pour les arbres ?
Qu’est-ce que le lierre, et pourquoi pousse-t-il partout ?
Le lierre, ou Hedera helix, est une plante grimpante originaire d’Europe, particulièrement bien adaptée aux climats tempérés. Contrairement à une idée reçue fréquente, il ne parasite pas les arbres. Il ne puise pas leur sève ni ne les étouffe directement. Ce qu’il fait, c’est utiliser ses racines adventives – de petits crampons microscopiques – pour s’accrocher à l’écorce, aux murs ou aux grillages. Il tire sa nourriture du sol, pas de l’arbre.
Émilie Ravel, botaniste au conservatoire des espèces méditerranéennes, explique : « Le lierre est une plante d’une redoutable résilience. Il peut vivre plus de cinquante ans et grimper jusqu’à trente mètres. Mais sa croissance n’est pas automatiquement néfaste. Il joue un rôle écologique majeur, surtout en automne, quand peu de plantes fleurissent. »
En effet, son feuillage persistant apporte une touche de verdure même en hiver, et ses petites fleurs verdâtres, souvent ignorées, produisent un nectar précieux pour les abeilles sauvages, les syrphes et autres pollinisateurs en fin de saison. Pour beaucoup de jardiniers, comme Thomas Léger, retraité et passionné de biodiversité à Nantes, le lierre est un refuge indispensable : « J’ai remarqué que mes mésanges s’installent dès novembre dans les touffes de lierre sur mon vieux tilleul. Elles y trouvent protection et nourriture. Je ne toucherai jamais à cette couverture végétale. »
Le lierre nuit-il vraiment à la santé des arbres ?
La réponse dépend de plusieurs facteurs. Sur un arbre sain, vigoureux et bien équilibré, le lierre ne pose généralement aucun problème. Il ne freine pas la photosynthèse des feuilles de l’arbre, car il grimpe à l’extérieur de la couronne, sans l’envahir systématiquement.
Cependant, dans certains cas, son développement peut devenir préoccupant. Lorsqu’il couvre plus de la moitié du tronc ou qu’il forme une masse dense autour des branches basses, il peut retenir l’humidité, favorisant la prolifération de champignons ou d’insectes xylophages. « Un lierre trop épais empêche l’écorce de respirer correctement, surtout sur les arbres âgés ou affaiblis », précise Émilie Ravel. « Et en cas de neige collante ou de vent violent, le poids supplémentaire du feuillage mouillé peut fragiliser des branches déjà menacées. »
C’est ce qu’a constaté Julien Moreau, jardinier à Bordeaux, lorsqu’il a dû intervenir sur un vieux chêne dans un parc communal. « L’arbre était déjà touché par un pourridié, et le lierre, en couvrant tout le tronc, masquait l’étendue des dégâts. Une fois retiré, on a pu traiter l’arbre et limiter la propagation. »
En résumé, le lierre n’est pas un ennemi en soi, mais un indicateur. S’il prolifère sur un arbre malade, ce n’est pas lui le coupable, mais le signe que l’arbre a besoin d’attention.
Pourquoi l’automne est-il le moment idéal pour agir ?
Qu’est-ce qui change à l’automne pour le lierre ?
En septembre et octobre, deux phénomènes se conjuguent : la sève des arbres ralentit, signe que l’arbre entre en repos végétatif, et le lierre entame sa phase de croissance secondaire. C’est donc une fenêtre parfaite pour intervenir sans stress excessif pour les plantes.
« L’automne est le moment où le jardinier peut voir clair », affirme Clémentine Dubois, paysagiste en région lyonnaise. « Les feuillages tombent, les zones de surcroissance deviennent visibles. On peut identifier les troncs trop chargés, les branches étouffées, les zones où le lierre risque de devenir problématique l’hiver prochain. »
De plus, l’arbre, ayant accumulé des réserves durant l’été, est mieux armé pour cicatriser une petite intervention. « Couper le lierre à la base en automne permet à l’arbre de respirer, tout en évitant que la plante ne repousse trop vite avant l’hiver », ajoute-t-elle.
Quels signes naturels observer avant de tailler ?
Avant de sortir les sécateurs, il faut observer. Le temps joue un rôle clé : une intervention par temps sec, sans risque de gel imminent, est préférable. Un sol détrempé rend l’arrachage difficile et risque d’endommager les racines des autres plantes.
Il faut aussi évaluer la santé de l’arbre : des branches mortes, une écorce fendillée, des champignons à la base du tronc sont des signes d’affaiblissement. Si le lierre couvre plus de 50 % du tronc, s’enroule étroitement ou atteint la couronne, une intervention devient nécessaire.
« J’ai un érable japonais dans mon jardin », raconte Sophie Tran, habitante d’Annecy. « Le lierre avait commencé à grimper, mais je l’ai laissé jusqu’à ce que je remarque que les branches basses jaunissaient prématurément. Là, j’ai compris qu’il fallait agir. J’ai coupé les tiges à la base, et l’arbre a retrouvé de l’éclat dès le printemps suivant. »
Que disent les experts forestiers ? Mythes et réalités
Quels sont les véritables risques pour les arbres ?
Les experts s’accordent sur un point : le lierre n’est pas un parasite. Il ne draine pas la sève. En revanche, il peut devenir un facteur aggravant. Sur un arbre sain, il est toléré. Sur un arbre affaibli, il peut contribuer à son déclin.
Les risques principaux sont mécaniques : le poids du lierre, surtout en hiver quand il retient l’eau ou la neige, peut entraîner des cassures. En outre, une couverture trop dense empêche la lumière et l’air de circuler autour du tronc, ce qui favorise l’humidité et, à terme, la pourriture.
« Je vois trop de gens arracher le lierre par principe », déplore Julien Moreau. « C’est dommage. Ce n’est pas la plante qu’il faut éliminer, c’est le déséquilibre. Un arbre mal taillé, mal exposé, ou sur un sol compacté, est bien plus menacé qu’un arbre sain avec un peu de lierre. »
Quels sont les bénéfices écologiques du lierre ?
La science le confirme : le lierre est un pilier de la biodiversité en milieu urbain. Ses fleurs, qui apparaissent en octobre-novembre, sont parmi les dernières sources de nectar avant l’hiver. Elles attirent des dizaines d’espèces d’insectes, dont certaines en voie de disparition.
En hiver, ses feuilles denses offrent un abri thermique aux oiseaux, aux insectes et aux petits mammifères. Des études menées en France et au Royaume-Uni montrent que les zones riches en lierre voient une augmentation significative de la présence de coccinelles, de chauves-souris et de hérissons.
« J’ai transformé une vieille clôture en refuge naturel », témoigne Thomas Léger. « J’y ai laissé pousser du lierre, j’y ai ajouté des branches mortes et des tas de feuilles. En deux ans, j’ai vu revenir des hérissons, des musaraignes, et même une chouette effraie. »
Faut-il tailler le lierre ? Comment décider ?
Comment évaluer la situation de chaque arbre ?
La décision de tailler ou non doit être individualisée. Voici les critères clés :
- Est-ce que l’arbre montre des signes de maladie ou de faiblesse ?
- Le lierre couvre-t-il plus de la moitié du tronc ou des branches basses ?
- Y a-t-il un risque de rupture mécanique en cas de neige ou de vent ?
- Le lierre gêne-t-il l’accès à l’écorce ou masque-t-il des dégâts ?
Si au moins une de ces conditions est remplie, une intervention est justifiée. Sinon, un simple contrôle visuel et une coupe légère des tiges adventices peuvent suffire.
Quand et comment intervenir ? Les signes à ne pas ignorer
Les signaux d’alerte sont simples : feuilles de lierre jaunies ou flétries à la base, branches mortes recouvertes de feuillage, tronc entièrement enserré, ou présence d’insectes nuisibles.
La méthode recommandée est simple : couper les tiges principales du lierre à environ 30 cm du sol. Pas besoin de tout arracher. Laisser la partie haute se dessécher naturellement. Elle tombera d’elle-même en quelques semaines. « C’est une technique douce, qui ne blesse ni l’arbre ni l’écosystème », explique Clémentine Dubois. « Et on évite de perturber les animaux qui hibernent. »
Attention toutefois : ne jamais tailler entre octobre et mars si des oiseaux sont présents. « Le lierre est un nid naturel », rappelle Émilie Ravel. « Couper en pleine période d’hivernage, c’est détruire des refuges essentiels. »
Comment gérer le lierre en respectant la nature ?
Quelles méthodes douces privilégier ?
La gestion du lierre ne doit pas être radicale, mais raisonnée. Voici quelques bonnes pratiques :
- Couper les tiges principales à la base, puis laisser le haut sécher avant retrait.
- Préserver les touffes sur les murs, clôtures ou vieux troncs morts, pour favoriser la biodiversité.
- Réutiliser les tiges coupées en paillage ou en abris à insectes.
- Éviter les produits chimiques : le lierre se contrôle mieux par la taille régulière que par le désherbage.
« J’ai appris à composer avec », raconte Sophie Tran. « J’ai coupé le lierre sur mes arbres fruitiers, mais je l’ai laissé grimper sur mon mur nord. Il fait de l’ombre en été, isole en hiver, et abrite des mésanges. C’est un compromis intelligent. »
Quel est le mot d’ordre des spécialistes ?
« Observation, modération, respect », résume Clémentine Dubois. « Un jardin paysager réussi n’est pas un espace domestiqué, mais un écosystème équilibré. Le lierre, bien géré, devient un atout : il protège, embellit, nourrit. »
Les spécialistes insistent : un jardin vivant n’est pas un jardin sans lierre. Il est un jardin où chaque élément a sa place. L’automne 2025 invite à une gestion réfléchie, où la beauté du paysage va de pair avec la préservation de la vie sauvage.
A retenir
Le lierre tue-t-il les arbres ?
Non, le lierre n’est pas un parasite. Il ne puise pas la sève des arbres. En revanche, s’il est trop dense sur un arbre affaibli, il peut aggraver son état en retenant l’humidité ou en ajoutant du poids aux branches.
Faut-il couper le lierre en automne ?
Oui, c’est le moment idéal pour une taille sélective. La sève des arbres ralentit, et le lierre est plus facile à contrôler. Mais il faut éviter d’intervenir si des animaux hibernent dans les touffes.
Le lierre est-il bon pour la biodiversité ?
Oui, c’est une plante clé pour la faune sauvage. Il offre refuge et nourriture à de nombreuses espèces d’insectes, d’oiseaux et de petits mammifères, surtout en automne et en hiver.
Peut-on laisser du lierre sur les arbres ?
Oui, sur les arbres sains et vigoureux, un développement modéré du lierre est acceptable. Il suffit de surveiller sa progression et d’empêcher qu’il n’envahisse la couronne ou n’enserre complètement le tronc.
Comment supprimer le lierre sans nuire à l’arbre ?
En coupant les tiges principales à la base, puis en laissant la partie haute sécher naturellement. Cette méthode évite de tirer sur les crampons, qui pourraient endommager l’écorce.