En 2022, un vent de transformation souffle sur la Mayenne. Pour la première fois, un département français engage une consultation citoyenne à grande échelle sur la santé : les États généraux de la santé. Une démarche audacieuse, ancrée dans l’écoute, le dialogue et la co-construction. Ce n’était pas seulement une campagne d’opinion, mais une véritable prise de parole collective, mobilisant habitants, professionnels de santé, élus et associations. Un an plus tard, les retombées de cette initiative inédite se traduisent par des actions concrètes, des engagements mesurables, et surtout, une nouvelle manière de penser la santé publique, au plus près des besoins réels des territoires. À l’horizon 2025, le Département relance la machine avec une nouvelle série d’initiatives, prouvant que l’écoute n’est pas un événement ponctuel, mais un processus continu.
Qu’est-ce que les États généraux de la santé en Mayenne ?
Les États généraux de la santé lancés en 2022 en Mayenne marquent une rupture dans la manière dont les politiques publiques sont conçues. Plutôt que de décider en haut lieu, les autorités départementales ont fait le choix d’ouvrir un espace de dialogue avec les citoyens. Pendant plusieurs semaines, des réunions publiques, des ateliers participatifs et des consultations en ligne ont été organisés dans tout le territoire. L’objectif ? Recueillir les attentes, les frustrations, mais aussi les idées des habitants sur leur accès aux soins, la prévention, le suivi des maladies chroniques ou encore la santé mentale.
Cette démarche a permis de capter plus de 500 contributions, dont certaines ont profondément marqué les décideurs. Comme celle de Léa Vasseur, infirmière libérale à Château-Gontier, qui témoigne : J’ai vu des patients renoncer à des soins parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se déplacer. Dans certaines zones rurales, il faut parfois parcourir plus de 30 kilomètres pour voir un spécialiste. Ce n’est pas acceptable. Ce type de témoignage, répété à plusieurs reprises, a mis en lumière une réalité souvent ignorée : l’isolement géographique comme frein majeur à la santé.
Comment les citoyens ont-ils été impliqués ?
L’implication des habitants n’a pas été symbolique. Elle a été structurée, encadrée et valorisée. Une plateforme numérique dédiée a permis à chacun de déposer ses idées, classées ensuite par thématiques : accès aux soins, santé mentale, prévention, prise en charge des personnes âgées, etc. Parallèlement, des comités de quartier, des associations de patients et des professionnels de terrain ont été invités à des tables rondes.
Un exemple parlant est celui de Thomas Lefebvre, retraité de 72 ans vivant à Laval. J’ai participé à une réunion à la mairie de mon quartier. On nous a donné la parole, sans intermédiaire. J’ai parlé de mon diabète, de mes difficultés à me déplacer pour les bilans. Personne ne m’avait jamais demandé mon avis avant. Ce sentiment d’être enfin entendu a été partagé par de nombreux participants, créant un lien de confiance entre les citoyens et les institutions.
Le processus a aussi permis de faire émerger des solutions locales, souvent simples mais efficaces. Comme l’idée d’un bus santé itinérant, proposée par une association de bénévoles de Mayenne ville, et aujourd’hui en phase de déploiement.
Quelles ont été les principales recommandations ?
Les 500 contributions ont été analysées par une équipe pluridisciplinaire, incluant des sociologues, des médecins et des représentants du Conseil départemental. De ce travail est né un livret blanc , publié en juin 2022, qui présente 30 fiches-actions concrètes. Ces fiches couvrent des domaines variés : renforcement de l’offre médicale en zone rurale, développement de la télémédecine, création de maisons de santé pluriprofessionnelles, ou encore campagnes de prévention ciblées sur l’obésité et les addictions.
L’une des recommandations les plus fortes a été l’instauration d’un passeport santé numérique, permettant aux patients de centraliser leurs données médicales, facilitant les échanges entre professionnels. Cette idée, portée initialement par un groupe de jeunes de lycées sanitaires de Laval, a surpris par sa maturité et sa faisabilité.
Un autre chantier prioritaire : la santé mentale. Plusieurs témoignages ont révélé un manque criant de psychologues et de psychiatres, notamment pour les adolescents. Une fiche-action spécifique a donc été dédiée à la création de cellules d’écoute scolaires et à la formation des enseignants à la détection précoce des troubles.
Quels résultats concrets depuis 2022 ?
Le passage du livret blanc à la mise en œuvre n’a pas été immédiat, mais plusieurs projets sont désormais en route. En 2023, trois nouvelles maisons de santé ont ouvert leurs portes, à Ernée, Saint-Aignan et Château-Gontier. Ces structures regroupent médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes et parfois des psychologues, offrant une prise en charge globale.
Le bus santé, quant à lui, effectue désormais des tournées mensuelles dans les communes isolées. Il propose des dépistages gratuits (diabète, hypertension, cholestérol), des consultations infirmières et des ateliers de prévention. Ce bus, c’est la médecine de proximité incarnée , affirme Élodie Ricard, coordinatrice du projet. On ne soigne pas seulement des maladies, on recrée du lien social.
La télémédecine a aussi connu un essor significatif. Grâce à des subventions départementales, de nombreux cabinets ont été équipés pour proposer des consultations à distance. Un gain de temps précieux pour les patients, mais aussi pour les médecins, comme le souligne Julien Mercier, généraliste à Craon : Avant, je passais 20 % de mon temps à rédiger des comptes-rendus papier. Aujourd’hui, tout est numérique, sécurisé, et partagé instantanément.
Pourquoi relancer une nouvelle série en 2025 ?
Le succès relatif des premiers États généraux a convaincu le Département de ne pas s’arrêter là. À partir d’octobre 2025, une nouvelle série d’initiatives est lancée, cette fois avec un accent particulier sur l’évaluation des actions mises en œuvre. Il ne s’agit plus seulement de proposer, mais de mesurer ce qui fonctionne , explique Clémence Dubois, conseillère départementale en charge de la santé.
Cette nouvelle phase inclut des audits indépendants, des panels citoyens permanents et des indicateurs de suivi publiés chaque trimestre. L’idée est de créer une boucle de feedback continue : les citoyens évaluent les politiques, et ces évaluations nourrissent les ajustements.
Un autre volet concerne la santé environnementale. Face aux inquiétudes croissantes sur la qualité de l’eau, les pesticides ou encore les effets du changement climatique sur la santé, un groupe de travail spécifique sera mis en place. La santé, ce n’est pas seulement ce qui se passe dans les hôpitaux , insiste Clémence Dubois. C’est aussi l’air qu’on respire, l’eau qu’on boit, la qualité de notre alimentation.
Quels défis restent à surmonter ?
Malgré les avancées, des obstacles persistent. Le manque de médecins, notamment en spécialité, reste un problème majeur. Certaines zones, comme le nord du département, peinent encore à attirer des professionnels. Le Département travaille avec les universités de Rennes et Angers pour inciter les jeunes médecins à s’installer en Mayenne, via des aides au logement ou des dispositifs de tutorat.
Un autre défi : l’inégalité d’accès aux nouvelles technologies. Si la télémédecine est un atout, elle suppose que les patients disposent d’un ordinateur, d’une connexion internet et de compétences numériques. Or, comme le rappelle Thomas Lefebvre, à mon âge, beaucoup d’entre nous sont perdus devant un écran. On ne veut pas qu’on nous parle par caméra, on veut voir un médecin en face.
C’est pourquoi les actions numériques sont toujours accompagnées de solutions analogiques : permanences téléphoniques, accompagnement par des aidants, ou encore ambassadeurs du numérique formés dans les centres sociaux.
Quel impact sur la gouvernance locale ?
Les États généraux de la santé ont profondément changé la relation entre les citoyens et les institutions. Le Département, traditionnellement perçu comme une administration distante, s’est réinventé comme un facilitateur d’initiatives locales. Les élus ont dû apprendre à écouter, à déléguer, parfois à renoncer à leurs certitudes.
On a compris que l’expertise ne vient pas seulement des diplômes, mais aussi de l’expérience vécue , confie Clémence Dubois. Un patient diabétique sait parfois plus de choses sur sa maladie qu’un médecin qui l’a vue dans un manuel.
Cette humilité nouvelle a ouvert la voie à une démocratie sanitaire plus inclusive, où les décisions ne sont plus prises pour les gens, mais avec eux.
A retenir
Quel est l’objectif des États généraux de la santé en Mayenne ?
L’objectif est de co-construire des politiques de santé adaptées aux réalités locales, en s’appuyant sur les contributions des citoyens, des professionnels et des associations. Il s’agit de passer d’une logique d’offre à une logique de besoin.
Combien de propositions ont été recueillies ?
Plus de 500 contributions ont été collectées, à la fois lors des réunions publiques et via la plateforme numérique dédiée.
Qu’est-ce que le livret blanc ?
Il s’agit d’un document publié en juin 2022, synthétisant les travaux des États généraux et présentant 30 actions concrètes à mettre en œuvre pour améliorer la santé en Mayenne.
Quand débute la nouvelle phase des États généraux ?
La nouvelle série d’initiatives débute en octobre 2025, avec un accent mis sur l’évaluation des actions passées et l’élargissement du champ de la santé à l’environnement.
Quels sont les principaux chantiers en cours ?
Les principaux chantiers incluent le déploiement de maisons de santé, le développement de la télémédecine, la création d’un bus santé itinérant, et des actions ciblées sur la santé mentale et la prévention.
La démarche a-t-elle changé la gouvernance du département ?
Oui, elle a instauré une culture de l’écoute et de la participation, transformant le rôle du Département en celui d’un facilitateurs des initiatives citoyennes, et renforçant la légitimité des politiques publiques.