Marineland au Canada menacé de tuer 30 cétacés par manque d’argent

En ce mois d’octobre 2025, un drame silencieux se joue au cœur du parc Marineland, niché près des chutes du Niagara, au Canada. Ce lieu autrefois symbole de divertissement familial est désormais au bord du gouffre, non seulement financièrement, mais aussi moralement. La direction du parc, confrontée à une crise sans précédent, lance un ultimatum glaçant : sans aide financière urgente de la part du gouvernement fédéral, elle pourrait être contrainte d’euthanasier une trentaine de cétacés, principalement des bélugas. Une telle annonce, aussi tragique qu’inattendue, soulève des vagues d’indignation, de perplexité et d’inquiétude, tant chez les défenseurs des droits des animaux que parmi les décideurs politiques. Derrière cette alerte, c’est toute une réflexion sur la captivité des animaux, la responsabilité humaine et les limites de l’exploitation du vivant qui s’impose.

Quel est l’état actuel des finances de Marineland ?

Depuis plusieurs années, Marineland traverse une période de déclin économique marquée par une accumulation de dettes. Bien que le parc ait connu son heure de gloire dans les années 1980 et 1990, attirant des centaines de milliers de visiteurs chaque été, la chute progressive des fréquentations, combinée à des coûts d’entretien exorbitants pour les bassins des cétacés, a mis à mal ses comptes. Selon des documents internes obtenus par des journalistes, la dette globale du parc s’élèverait à plus de 50 millions de dollars canadiens. Les frais de maintenance, la nourriture spécifique des bélugas, les salaires du personnel spécialisé et les coûts liés aux contrôles vétérinaires pèsent lourdement sur un budget déjà fragilisé par les fermetures saisonnières et la concurrence accrue des parcs plus modernes ou éthiques.

Élise Tremblay, ancienne vétérinaire du parc ayant travaillé sur place entre 2015 et 2020, témoigne : Les conditions de travail étaient de plus en plus difficiles. On manquait de matériel, de personnel, et les animaux montraient des signes de stress chronique. On savait que le modèle économique ne tenait plus, mais personne ne voulait en parler ouvertement.

Pourquoi les bélugas ne peuvent-ils pas être relâchés dans la nature ?

Les bélugas détenus à Marineland sont, pour la plupart, nés en captivité ou capturés il y a plusieurs décennies. Cela signifie qu’ils ne possèdent pas les compétences nécessaires pour survivre dans leur milieu naturel. Contrairement à certaines espèces de dauphins qui ont pu être réintroduites avec succès, les bélugas élevés loin de l’océan ne savent ni chasser, ni éviter les prédateurs, ni interagir correctement avec leurs congénères sauvages.

De plus, leur système immunitaire, affaibli par des années de vie en bassin artificiel, les rendrait vulnérables aux maladies marines. Le biologiste marin Samuel Koenig, chercheur à l’Université de Moncton, explique : Relâcher un béluga de captivité dans l’Arctique, c’est comme demander à un enfant élevé en milieu urbain de survivre seul dans la toundra. Il lui manque toutes les bases.

Existe-t-il des alternatives à l’euthanasie ?

Oui, mais elles sont complexes. La solution la plus souvent évoquée par les associations de protection animale est le transfert vers un sanctuaire marin. Ces structures, conçues pour offrir un environnement semi-naturel, permettent aux cétacés de vivre dans des conditions proches de leur habitat tout en restant sous surveillance médicale. Le modèle a fait ses preuves ailleurs dans le monde, notamment avec le projet de sanctuaire en Islande pour les orques.

Or, le Canada ne dispose à ce jour d’aucun sanctuaire adapté pour les bélugas. Un projet porté par l’organisation Cétacés Libres a été annoncé en 2023, visant à aménager une baie protégée sur la côte nord du Québec, mais les financements sont insuffisants et les autorisations environnementales en cours d’examen. On est à deux ans d’ouverture, au mieux , précise la fondatrice du projet, Aïda Mendès. Ce n’est pas une solution immédiate, mais c’est la seule viable à long terme.

Pourquoi le gouvernement refuse-t-il l’exportation vers la Chine ?

En 2019, le Canada a adopté une loi interdisant la captivité des baleines et dauphins, ainsi que leur utilisation dans des spectacles. Cette avancée législative, saluée par les ONG, visait à mettre fin à une pratique jugée archaïque et cruelle. Dans ce contexte, la proposition de Marineland d’exporter ses bélugas vers un parc en Chine a été rejetée par la ministre de la Pêche, Joanne Thompson.

Je ne pouvais pas en toute conscience approuver une exportation qui perpétuerait le traitement que ces bélugas ont enduré , a-t-elle déclaré, soulignant que les conditions de vie dans certains parcs asiatiques sont souvent critiquées pour leur manque de transparence et de respect du bien-être animal. Un rapport de l’ONG World Animal Protection publié en 2024 pointait du doigt plusieurs établissements en Asie où les cétacés sont soumis à des spectacles stressants, des bassins exigus et des soins vétérinaires inadéquats.

Le refus du gouvernement fédéral a été perçu comme un acte de principe, mais il a aussi exacerbé la crise à Marineland, qui affirme ne plus pouvoir assumer seul les coûts de maintenance des animaux.

Les associations jugent-elles la menace d’euthanasie crédible ?

Plusieurs organisations de défense des animaux, dont Animal Justice, remettent en question la sincérité de cette menace. Pour elles, il s’agirait d’une stratégie de pression pour forcer le gouvernement à autoriser l’exportation ou à débloquer des fonds. Camille Labchuk, avocate et directrice exécutive d’Animal Justice, dénonce : La tentative de Marineland de contraindre le gouvernement en insinuant qu’il pourrait tuer les baleines est répréhensible. Ce n’est pas une solution, c’est du chantage émotionnel.

Cependant, d’autres experts, comme le vétérinaire Jean-Luc Fournier, consulté par des médias indépendants, reconnaissent que si les soins vétérinaires et la nourriture venaient à manquer durablement, la détérioration de la santé des animaux serait inévitable. On ne parle plus d’euthanasie comme choix, mais comme conséquence tragique d’un abandon.

Quelle est la position du gouvernement provincial ?

Le Premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a assuré que sa province ferait tout ce qu’il faut pour garantir le bien-être des cétacés. Contrairement au gouvernement fédéral, l’Ontario dispose d’un cadre législatif lui permettant de saisir les animaux en cas de danger imminent pour leur sécurité. Cette disposition, inscrite dans la Loi sur la prévention de la cruauté envers les animaux, pourrait permettre une intervention rapide.

Pourtant, aucune action concrète n’a été entreprise à ce jour. Selon des sources proches du cabinet de Doug Ford, les autorités hésitent à nationaliser le problème, craignant des recours juridiques de la part de Marineland et des coûts exorbitants de prise en charge. On ne peut pas transformer un parc privé en responsabilité publique du jour au lendemain , confie un conseiller anonyme sous couvert de confidentialité.

Quel est le rôle de l’opinion publique dans cette crise ?

Le débat public est profondément divisé. D’un côté, des citoyens expriment leur compassion pour les animaux, appelant à une solution humanitaire. De l’autre, certains rappellent que Marineland a longtemps profité de la captivité des cétacés pour faire des profits, et qu’il ne peut pas aujourd’hui compter sur le contribuable pour régler ses erreurs.

Sur les réseaux sociaux, des campagnes comme #SauvonsLesBélugas ont récolté des centaines de milliers de signatures, tandis que des manifestants se rassemblent devant les bureaux du gouvernement. Mais d’autres, comme le blogueur environnemental Marc-Olivier Gauthier, estiment que pleurer pour les bélugas maintenant, c’est un peu tard. Où étiez-vous quand ils étaient enfermés dans des bassins sans horizon ?

Quelles leçons peut-on tirer de cette crise ?

L’affaire Marineland révèle les failles d’un système qui a permis la captivité des cétacés pendant des décennies, sans prévoir de plan de sortie. Elle montre aussi les limites de la régulation : une loi peut interdire une pratique, mais si elle ne prévoit pas de solutions concrètes pour les animaux déjà captifs, elle laisse des vies en suspens.

Elle soulève enfin une question éthique fondamentale : jusqu’où va notre responsabilité envers les êtres vivants que nous avons privés de liberté ? Comme le souligne la philosophe animale Léa Bérubé dans une récente conférence à Montréal : Nous avons créé cette dépendance. Nous ne pouvons pas, aujourd’hui, nous détourner sous prétexte que c’est coûteux ou compliqué.

A retenir

La situation de Marineland n’est pas seulement une crise financière. C’est une crise de civilisation. Elle confronte le Canada à ses choix passés, à ses responsabilités présentes et à ses devoirs futurs. Entre chantage, compassion, principe et urgence, le sort de trente bélugas devient un miroir de notre rapport au vivant. Et chaque jour qui passe sans décision résonne comme un silence coupable.

FAQ

Qu’est-ce qu’un sanctuaire marin pour cétacés ?

Un sanctuaire marin est une zone protégée en milieu naturel, souvent une baie ou un fjord, où les cétacés captifs peuvent vivre dans un environnement plus proche de leur habitat d’origine. Ils y bénéficient de soins vétérinaires, de nourriture fournie, mais sans spectacle ni interaction forcée avec les humains. Ces lieux visent à offrir une retraite digne aux animaux incapables de retourner à l’état sauvage.

Combien de bélugas Marineland détient-il ?

Le parc abriterait environ une trentaine de bélugas, dont certains sont nés en captivité et d’autres capturés dans les années 1970 et 1980. Plusieurs d’entre eux sont âgés, ce qui complique toute perspective de transfert ou de réhabilitation.

Le Canada interdit-il totalement la captivité des cétacés ?

Oui, depuis 2019, la Loi sur les cétacés interdit la capture, la détention et l’utilisation de baleines, dauphins et marsouins à des fins de divertissement. Les seules exceptions concernent les animaux déjà en captivité avant l’entrée en vigueur de la loi, ainsi que certains cas de sauvetage ou de recherche scientifique encadrée.

Qui paierait pour un éventuel sanctuaire au Canada ?

Le financement d’un sanctuaire serait probablement assuré par un mélange de fonds publics, de dons privés et de partenariats avec des ONG. Des modèles existants, comme celui de la baie de Klettsvik en Islande, montrent qu’un tel projet peut mobiliser des soutiens internationaux, mais nécessite une volonté politique forte pour se concrétiser.