Alors qu’on croyait les années 70 et 80 définitivement rangées au grenier des souvenirs, une silhouette végétale s’impose discrètement mais sûrement dans nos intérieurs : celle du spathiphyllum. Longtemps relégué au statut de plante d’arrière-buffet ou de cadeau de circonstance, ce végétal à la beauté sobre et élégante opère un retour fracassant. Plus qu’un simple effet de mode, son revival s’ancre dans une quête collective d’authenticité, de bien-être et de lien avec le passé. Entre esthétique intemporelle, facilité d’entretien et vertus symboliques, le spathiphyllum, ou fleur de lune, redessine le paysage des plantes d’intérieur. Témoignages, analyses et conseils pratiques : plongée dans une tendance qui fleurit là où on l’attendait le moins.
Pourquoi le spathiphyllum fait-il son grand retour aujourd’hui ?
Un revival vintage porté par l’émotion
Le phénomène dépasse largement la simple nostalgie décorative. Pour Camille Lefebvre, psychologue spécialisée dans les liens entre environnement et bien-être, les objets, et notamment les plantes, agissent comme des ancres émotionnelles. Voir un spathiphyllum, c’est souvent se souvenir de l’appartement de sa grand-mère, du salon familial, d’un temps plus doux . C’est précisément ce sentiment de sécurité qui séduit aujourd’hui une génération épuisée par les rythmes urbains et le numérique. J’ai grandi dans un immeuble haussmannien où ma mère en avait un sur le guéridon du salon , raconte Léa Vasseur, trentenaire et designer graphique à Lyon. Quand je l’ai revu dans une boutique de déco, j’ai eu un vrai choc émotionnel. Je l’ai adopté dans la foulée. Il ne fleurit pas tout le temps, mais son feuillage lisse et sa présence calme m’apaisent.
Ce retour s’inscrit dans une tendance plus large : le vintage réinterprété. Contrairement aux années 2010, où les plantes exotiques et les cactus minimalistes dominaient, on privilégie désormais des espèces qui racontent une histoire. Le spathiphyllum, avec son allure classique, devient un objet de transmission, un pont entre les générations.
Une réponse aux besoins contemporains de nature en ville
Dans des appartements souvent exigus et baignés de surfaces froides — béton, verre, métal —, la présence d’un végétal vivant devient un impératif psychologique. On parle de “faim de nature” , explique Étienne Moreau, botaniste et formateur en jardinage urbain. Les gens cherchent des plantes qui ne demandent pas d’être des experts, mais qui donnent l’impression de vivre, de respirer avec eux.
Le spathiphyllum répond parfaitement à ce besoin. Il ne pousse pas de manière envahissante, ne nécessite pas de lumière directe, et son port vertical lui permet de s’intégrer dans les angles oubliés d’un studio ou sur une console étroite. Il ne se met pas en avant, mais il est là, stable, rassurant , résume Léa. Ce rôle de compagnon silencieux, presque méditatif, le distingue des plantes plus spectaculaires mais exigeantes comme l’orchidée ou le fiddle leaf fig.
Quels sont les atouts concrets du spathiphyllum ?
Une esthétique polyvalente et graphique
Le feuillage vert profond, brillant, en forme de lance, et les bractées blanches en forme de voile lui confèrent une élégance rare. C’est une plante qui ne crie pas, mais qui attire le regard , note Zoé Blanchard, décoratrice d’intérieur à Bordeaux. J’aime la placer dans un pot en céramique brut, avec des lignes épurées. Elle contraste parfaitement avec un intérieur scandinave, mais elle fonctionne aussi dans un décor plus chargé, plus bohème.
Contrairement à certaines plantes d’intérieur, le spathiphyllum ne suit pas une tendance, il la traverse. Il a été à la mode dans les années 80, oublié dans les années 2000, et revient aujourd’hui non pas comme une copie du passé, mais comme une pièce de design végétal intemporel. On ne la choisit pas parce qu’elle est “tendance”, mais parce qu’elle fait du bien , ajoute Zoé.
Une plante accessible à tous, même aux débutants
C’est la plante idéale pour ceux qui ont déjà tué un cactus , plaisante Julien Dumas, fleuriste à Montpellier. Elle pardonne les oublis, elle tolère une lumière moyenne, elle ne meurt pas si on l’arrose un peu trop ou un peu trop peu.
En hiver, période redoutée des amateurs de plantes, le spathiphyllum brille par sa résistance. Le chauffage, l’air sec, la baisse de luminosité : autant de facteurs qui fragilisent les végétaux. Pas celui-ci. Je l’ai mis dans mon bureau, près d’une fenêtre orientée nord , raconte Thomas Renard, journaliste à Toulouse. Il fait sombre, le chauffage est toujours allumé, et pourtant, il a fleuri deux fois cette année. Je n’ai quasiment rien fait.
Pour Julien, cette robustesse explique en grande partie son succès : Les gens veulent du vivant chez eux, mais sans stress. Le spathiphyllum, c’est la sécurité.
Quel impact émotionnel et symbolique le spathiphyllum exerce-t-il ?
Un allié du bien-être et de la sérénité
Installé dans un coin de salon, sur une commode ou près d’un bureau, le spathiphyllum participe à la création d’un espace de calme. Il a une verticalité apaisante , observe Camille Lefebvre. Son port élancé, ses feuilles qui s’élèvent doucement, c’est presque un mouvement de respiration.
De nombreux utilisateurs le comparent à un objet zen. J’ai placé le mien face à mon fauteuil de lecture , confie Léa. Quand je suis fatiguée, je le regarde. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’aide à me recentrer.
Cette dimension méditative n’est pas anodine. Le spathiphyllum est souvent associé aux principes de la décoration japonaise, où chaque élément a un rôle dans l’harmonisation de l’espace. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des formes végétales sur notre inconscient , souligne Zoé Blanchard. Une plante comme celle-ci, avec ses lignes douces et sa symétrie naturelle, crée un effet de stabilité visuelle.
Une plante dépolluante et porteuse de sens
Depuis les études de la NASA dans les années 1980, on sait que certaines plantes d’intérieur peuvent absorber des composés volatils présents dans l’air intérieur — formaldéhyde, benzène, xylène. Le spathiphyllum figure en bonne place dans ces listes. Il est particulièrement efficace dans les pièces fermées, comme les chambres ou les bureaux , confirme Étienne Moreau. Il capte les toxines et humidifie l’air, ce qui est précieux en hiver.
Plus qu’un simple filtre naturel, il incarne aussi une symbolique forte. Blanc, pur, épuré, il évoque la paix, la renaissance, la clarté d’esprit. C’est souvent offert en guise de réconfort , note Julien Dumas. Après une maladie, à Noël, pour un nouveau départ. C’est une plante qui porte de l’espoir.
Quand j’ai perdu mon père, une amie m’a offert un petit spathiphyllum , raconte Thomas. Elle m’a dit : “Il survivra, comme toi.” Aujourd’hui, il a triplé de volume. Chaque fois que je le regarde, je pense à elle, à lui. C’est devenu un objet de mémoire.
Comment choisir et entretenir un spathiphyllum ?
Où et comment l’adopter ?
Le spathiphyllum est désormais disponible partout : jardineries spécialisées, fleuristes de quartier, grandes surfaces, voire en ligne. Botanic, Jardiland, Truffaut, tous en ont plusieurs variétés , précise Julien. Il y a des mini-pots, parfaits pour un rebord de fenêtre, et des spécimens plus imposants, qui peuvent atteindre un mètre de haut.
Le choix doit se faire avec attention. Regardez les feuilles : elles doivent être bien vertes, fermes, sans taches ni jaunissement , conseille Étienne. Les bractées blanches doivent être intactes, pas flétries. Évitez les plantes en plein courant d’air ou exposées au soleil direct dans le magasin — signe qu’elles ont été mal placées.
J’ai fait l’erreur d’en acheter un avec des feuilles molles , raconte Léa. Il a mis des semaines à se remettre. Depuis, je prends toujours le temps de bien l’observer avant d’acheter.
Les bons gestes pour le garder en forme
L’entretien est simple, mais quelques règles sont à respecter :
- Arrosage : une fois par semaine en hiver, deux fois en été. La terre doit rester légèrement humide, mais pas détrempée. Le spathiphyllum aime l’humidité, pas les pieds dans l’eau , rappelle Julien.
- Lumière : une lumière indirecte est idéale. Une fenêtre orientée à l’est ou au nord convient parfaitement. Évitez le soleil direct, qui brûle les feuilles.
- Rempotage : tous les deux à trois ans, au printemps. Quand les racines sortent du pot, c’est le moment , explique Étienne. Prenez un contenant légèrement plus grand, avec des trous de drainage.
- Entretien : nettoyez les feuilles avec un chiffon humide pour enlever la poussière. Vous pouvez aussi les pulvériser d’eau douce, surtout en hiver, quand l’air est sec.
- Engrais : un apport léger au printemps, avec un engrais pour plantes vertes. Pas besoin d’en abuser.
Et si les feuilles jaunissent ? demande souvent Thomas. En général, c’est un excès d’eau ou une exposition trop lumineuse , répond Étienne. Coupez les feuilles abîmées, réduisez l’arrosage, et déplacez-le. Il repart souvent très vite.
A retenir
Pourquoi le spathiphyllum est-il devenu incontournable ?
Le succès du spathiphyllum ne repose pas sur un seul atout, mais sur une combinaison rare : un design élégant et intemporel, une facilité d’entretien exceptionnelle, un lien émotionnel fort, et des vertus concrètes pour la qualité de l’air intérieur. Il répond à une attente multiple — esthétique, affective, écologique — dans un contexte où l’on cherche à humaniser nos espaces de vie.
Pourquoi l’adopter en 2024 ?
Parce qu’il incarne une forme de douceur dans un monde souvent bruyant. Parce qu’il embellit un intérieur sans en imposer les règles. Parce qu’il survit, prospère, fleurit, même quand on ne lui prête pas toute l’attention du monde. Adopter un spathiphyllum, c’est choisir une présence végétale bienveillante, silencieuse, mais constante. C’est offrir ou s’offrir un peu de paix, de pureté, de continuité. En cette fin d’année, où l’on cherche à renouer avec l’essentiel, la fleur de lune brille d’une lumière douce, mais incontestable.
FAQ
Le spathiphyllum est-il toxique ?
Oui, le spathiphyllum contient des cristaux d’oxalate de calcium, qui peuvent irriter les muqueuses en cas d’ingestion. Il est donc déconseillé aux foyers où vivent des jeunes enfants ou des animaux curieux. Il est préférable de le placer hors de portée.
Fleurit-il toute l’année ?
Non, sa floraison est saisonnière, mais elle peut durer plusieurs semaines. Avec des soins appropriés, il est possible d’obtenir deux cycles de floraison par an, surtout au printemps et en automne. Les bractées blanches persistent longtemps, même après la pollinisation.
Peut-on le mettre dans la chambre ?
Oui, c’est même un excellent emplacement. En plus de purifier l’air, sa présence discrète et apaisante contribue à une ambiance propice au sommeil. Veillez simplement à ne pas le placer trop près d’une source de chaleur.
Comment savoir s’il a besoin d’eau ?
Observez les feuilles : si elles s’affaissent légèrement, c’est un signe d’arrosage nécessaire. Touchez la surface de la terre : si elle est sèche au toucher, il est temps d’arroser. Le spathiphyllum est très expressif : il signale ses besoins sans agressivité.