Un ciel limpide au-dessus du Maroc, un silence à peine troublé par le grondement lointain de réacteurs. Soudain, deux points apparaissent à l’horizon, suivis d’un troisième, plus imposant. C’est ici, dans cet espace aérien surveillé, que tout se joue : une interception, froide, précise, exécutée dans un équilibre tendu entre tension et discipline. Pas de panique, pas d’affolement. Juste un ballet aérien millimétré, où chaque mouvement a été répété, chaque procédure calibrée. L’enjeu ? La sécurité, la maîtrise, et surtout, la confiance entre alliés. Ce que l’on voit n’est pas un incident, mais un entraînement : Marathon 25. Et pourtant, derrière cette opération militaire codifiée, se dessinent des enjeux bien réels, des compétences aiguisées, et des hommes qui, à 30 000 pieds d’altitude, font le choix de la rigueur plutôt que de la confrontation.
Qu’est-ce que Marathon 25 et pourquoi cette interception a-t-elle lieu ?
Marathon 25 n’est pas un simple exercice de routine. C’est une opération conjointe entre l’Armée de l’Air et de l’Espace française et les Forces Royales Air marocaines, conçue pour tester la réactivité, la coordination et la capacité d’interception dans un contexte réaliste. Le scénario : un appareil, identifié comme un A330 MRTT Phénix, pénètre un espace aérien sensible, accompagné de deux Rafale B. L’alerte est donnée. En quelques minutes, huit F-16C/D Fighting Falcon Block 52+ décollent des bases marocaines, guidés par le contrôle au sol. Leur mission : intercepter, identifier, et, si nécessaire, contraindre à la sortie du territoire.
L’interception elle-même se déroule sans heurt. Les pilotes marocains, dont le commandant Khalil Amrani, ancien instructeur à la base de Ben Guerir, décrit l’opération comme « une danse aérienne où chaque pas est anticipé ». À bord de son F-16, il maintient une distance de sécurité, tout en positionnant son appareil pour une observation visuelle claire. « On ne cherche pas à intimider, explique-t-il. On affirme la souveraineté, mais sans provocation. » Le contact visuel établi, les radios s’activent. Le message est clair : l’appareil et son escorte doivent quitter l’espace aérien national. Sinon, des mesures coercitives pourraient être envisagées. Le ton reste neutre, professionnel. Pas d’éclats, pas de menaces. Juste une application stricte des règles d’engagement simulées.
C’est là que réside la force de Marathon 25 : non pas dans la démonstration de puissance, mais dans la maîtrise du protocole. Comme le souligne le lieutenant-colonel Élodie Rousseau, officier de liaison au sein de la 4e Escadre de Chasse, « ce n’est pas la vitesse ou la puissance qui compte, c’est la capacité à comprendre l’intention de l’autre, à anticiper ses mouvements, et à répondre sans ambiguïté ».
Quel rôle joue l’Airbus A330 MRTT Phénix dans cette opération ?
L’A330 MRTT Phénix, bien qu’imposant, n’est pas un chasseur. C’est un avion de ravitaillement en vol, un maillon stratégique dans les opérations aériennes modernes. Mais dans Marathon 25, il devient bien plus qu’un simple soutien logistique : il est le pivot du dispositif, le point central autour duquel s’articulent les manœuvres offensives et défensives.
À bord, l’équipage, dirigé par le commandant de bord Thibault Mercier, gère non seulement la navigation et la sécurité de l’appareil, mais aussi les séquences de ravitaillement simulées avec les Rafale B. « On est le cerveau mobile de l’opération », résume-t-il. Chaque passe, même fictive, exige une synchronisation parfaite entre le ravitailleur et les chasseurs. La moindre erreur de trajectoire, de vitesse ou d’altitude, et c’est l’échec du scénario.
Pour les pilotes marocains, cette phase est cruciale. Jusqu’alors, leur entraînement au ravitaillement en vol s’appuyait principalement sur les KC-130H Hercules. L’intégration du Phénix, plus moderne et doté d’un système de panier rigide, impose de nouvelles procédures. « C’est un saut technologique, reconnaît le capitaine Yassine El Kettani, pilote de F-16. Le Phénix est plus gros, plus lent, mais aussi plus précis. Il faut adapter son approche, sa vitesse, son angle. »
L’Airbus devient ainsi un vecteur d’interopérabilité. Il n’est plus seulement un outil français, mais un élément partagé, dont les capacités sont mises à l’épreuve dans un cadre binational. « Le fait qu’il soit utilisé par les deux forces, même dans un rôle différent, crée une base commune de compréhension », observe Élodie Rousseau. C’est cette convergence technique et tactique qui fait la valeur de l’exercice.
Comment la confiance s’établit-elle entre forces alliées en situation de tension ?
La scène est tendue, presque théâtrale : deux chasseurs encadrant un appareil plus gros, les F-16 en approche serrée, les radios en alerte. Pourtant, personne ne panique. Pourquoi ? Parce que la confiance, ici, n’est pas un sentiment vague, mais une compétence opérationnelle. Elle se construit à travers des protocoles communs, des langages partagés, et des exercices répétés.
« On ne se connaît pas personnellement, mais on sait comment l’autre va réagir », affirme Khalil Amrani. Ce savoir-faire s’acquiert au fil des missions conjointes, des briefings croisés, des débriefings sans langue de bois. Chaque erreur, chaque imprécision est analysée, non pour blâmer, mais pour ajuster. « Ce qui compte, c’est que l’objectif soit atteint sans incident », insiste Thibault Mercier.
La confiance se lit aussi dans les détails : le respect des fréquences radio, l’absence de communication ambiguë, la clarté des intentions. Lorsque le contrôle marocain ordonne la sortie de l’espace aérien, l’équipage français obtempère immédiatement. Pas de négociation, pas de temporisation. « On sait que c’est un exercice, mais on joue le jeu à fond », explique Élodie Rousseau. « Parce que demain, ce ne sera peut-être plus un exercice. »
Cette relation de confiance s’inscrit dans un contexte plus large. Les liens militaires entre la France et le Maroc, bien que parfois tendus sur le plan diplomatique, restent solides sur le terrain. Des opérations en Afrique de l’Ouest aux patrouilles dans le détroit de Gibraltar, les deux armées collaborent régulièrement. Marathon 25 en est une preuve tangible : une coopération qui ne repose pas sur des déclarations, mais sur des faits, des gestes, des habitudes partagées.
Quels enseignements tactiques et stratégiques tire-t-on de cet entraînement ?
Marathon 25 n’est pas qu’une démonstration de force ou de coordination. C’est une machine à apprendre. Pour les pilotes français, l’exercice permet de tester leurs capacités dans un environnement exigeant, différent de ceux auxquels ils sont habitués. « Le terrain marocain, avec ses reliefs, sa météo, ses espaces aériens complexes, c’est un excellent terrain d’entraînement », note Élodie Rousseau.
Pour les Marocains, c’est l’occasion de s’exercer avec des appareils modernes, des procédures européennes, et un niveau d’exigence élevé. « On ne peut pas se contenter de voler avec nos propres standards », affirme Yassine El Kettani. « Pour être crédibles dans les coalitions, il faut parler le même langage tactique. »
Le ravitaillement en vol, en particulier, émerge comme un axe central de progression. La capacité à prolonger l’autonomie des chasseurs en vol transforme radicalement les scénarios opérationnels. Un F-16 ravitaillé par un Phénix peut couvrir des distances bien plus grandes, intervenir plus longtemps, et répondre à des alertes éloignées. « C’est une question d’allonge, mais aussi de flexibilité », précise Thibault Mercier. « Le jour où on devra réagir à une menace au sud du Sahara, ce genre d’entraînement fera la différence. »
Enfin, Marathon 25 montre que la sécurité régionale ne se construit pas en isolant les forces, mais en les entrelaçant. La répétition d’exercices comme celui-ci crée des réflexes communs, des automatismes de coordination. « On ne parle plus de “nous” et “eux” », conclut Khalil Amrani. « On parle de “nous”, point. »
A retenir
Quel est l’objectif principal de Marathon 25 ?
L’objectif est de renforcer l’interopérabilité entre l’Armée de l’Air française et les Forces Royales Air marocaines, en simulant des scénarios réalistes d’interception, de ravitaillement en vol et de gestion de crise aérienne, afin d’assurer une réponse coordonnée et efficace à d’éventuelles menaces.
Pourquoi l’interception d’un Airbus ravitailleur est-elle significative ?
Parce qu’elle montre que même des appareils non combattants peuvent devenir des cibles ou des enjeux stratégiques. L’interception du Phénix souligne la valeur tactique du ravitaillement en vol et la nécessité de protéger ces actifs essentiels dans un conflit moderne.
Comment la discipline radio contribue-t-elle à la réussite de l’exercice ?
La discipline radio garantit la clarté des communications, évite les malentendus et permet une coordination fluide entre les différentes unités. Elle est particulièrement cruciale en situation d’interception, où chaque mot compte et où la précision peut éviter une escalade.
Quel impact cet entraînement a-t-il sur la sécurité régionale ?
Il renforce la cohésion entre alliés, améliore la réactivité face aux menaces aériennes, et établit des standards communs de conduite opérationnelle, ce qui contribue à une stabilité accrue dans un contexte géopolitique parfois instable.
L’exercice reflète-t-il une coopération durable entre la France et le Maroc ?
Oui. Malgré des divergences politiques ponctuelles, la coopération militaire entre les deux pays est ancienne, régulière et fondée sur des intérêts communs en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme et de surveillance des espaces aériens stratégiques.