En cette ère de connectivité permanente, les conducteurs sont constamment sollicités par leurs appareils électroniques. Pourtant, les règles de la route ont évolué, et ce que beaucoup considèrent comme des gestes anodins peuvent désormais coûter très cher. Claire Berthier, 34 ans, mère de deux enfants et cadre dans une entreprise lyonnaise, en a fait l’amère expérience. Ce qui devait être une simple manœuvre de routine – changer de musique pendant un trajet matinal – s’est transformé en une sanction de 750 euros. Son récit, à la fois banal et révélateur, met en lumière une réalité méconnue : l’usage du téléphone, même pour une action mineure, est désormais passible de lourdes amendes.
Qu’a fait Claire Berthier pour mériter une telle amende ?
Claire circulait sur une route urbaine de Lyon, en direction de l’école primaire où elle dépose chaque matin ses enfants, Léa et Jules. Concentrée, elle respectait les limitations de vitesse et les règles de priorité. Pourtant, alors qu’elle glissait son regard vers son téléphone posé sur le siège passager, elle a tendu la main pour appuyer sur l’écran et passer à la chanson suivante sur son application de streaming. Ce geste, d’une durée inférieure à trois secondes, a été capté par une caméra automatique équipée de reconnaissance de comportements à risque. Quelques jours plus tard, une notification officielle arrivait dans sa boîte aux lettres : une amende forfaitaire de 750 euros pour usage du téléphone au volant.
« Je n’étais pas au volant en train de textoter ou de faire un appel vidéo, je changeais juste de musique. Je pensais que ce n’était pas concerné par la loi », explique-t-elle, encore sous le choc. « Je me suis sentie prise au piège par une règle que je ne connaissais pas. »
Quelles sont les règles actuelles du code de la route en matière d’usage du téléphone ?
Depuis une réforme récente du code de la route, toute manipulation d’un appareil électronique tenu en main pendant la conduite est strictement interdite, qu’il s’agisse d’un smartphone, d’une tablette ou d’un GPS portable. L’infraction est désormais classée en catégorie 4, soit le niveau le plus élevé pour les contraventions routières. Elle entraîne une amende de 750 euros, une perte de 3 points sur le permis de conduire, et, dans certains cas, une suspension administrative du permis.
« Ce n’est pas le fait de passer un appel qui est puni en soi, mais la distraction occasionnée par la manipulation physique du dispositif », précise Étienne Rouvier, expert en sécurité routière au sein de la Direction interrégionale. « Même si le conducteur ne regarde pas l’écran pendant plusieurs secondes, le simple fait de tenir le téléphone en main suffit à constituer une infraction. »
Les caméras automatiques, désormais dotées de systèmes d’intelligence artificielle capables d’identifier les mouvements de main vers un téléphone, ont considérablement accru les contrôles. Selon les données du ministère de l’Intérieur, les verbalisations pour usage du téléphone ont augmenté de 68 % en un an, avec plus de 250 000 amendes délivrées en 2023.
Pourquoi une telle rigueur ? Quels sont les risques réels ?
Les autorités insistent sur le fait que ces mesures ne sont pas arbitraires. Les études menées par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) montrent que l’utilisation du téléphone au volant multiplie par trois le risque d’accident. Même une distraction de deux secondes suffit à rendre un conducteur aveugle à une situation d’urgence – un piéton qui traverse, un véhicule qui freine brusquement, un cycliste qui s’insère.
« Quand on prend son téléphone, on ne se rend pas compte qu’on perd le contrôle de la situation globale », souligne le docteur Camille Faure, neuropsychologue spécialisée dans les comportements de conduite. « Le cerveau humain ne sait pas bien gérer plusieurs tâches en même temps. Même si on pense être attentif, une partie de notre attention est détournée. »
C’est ce que confirme Claire : « Depuis cet incident, j’ai testé. J’ai fait le même trajet sans toucher mon téléphone. Je me suis rendu compte que je voyais mieux les passages piétons, les vélos, les feux. C’était comme si j’avais enlevé un voile. »
Quelles sont les alternatives légales et sécurisées ?
Face à cette nouvelle donne, les conducteurs doivent adapter leurs habitudes. Plusieurs solutions permettent de rester connecté sans enfreindre la loi.
Les commandes vocales : une solution efficace ?
Les assistants vocaux comme Siri, Google Assistant ou Alexa intégrés aux voitures modernes offrent une alternative pratique. « J’utilise maintenant la commande vocale pour tout : changer de musique, appeler ma collègue, demander un itinéraire », raconte Thomas Lemaire, ingénieur à Grenoble et utilisateur régulier de sa voiture. « Au début, je trouvais ça un peu gadget, mais aujourd’hui, c’est devenu naturel. Et surtout, je suis tranquille : je ne risque rien. »
Les supports de téléphone : une prévention simple mais cruciale
Installer un support fixe, magnétique ou ventousé, sur le tableau de bord ou le pare-brise (dans la limite légale de non-obstruction du champ de vision), permet de garder le téléphone en vue sans avoir besoin de le tenir. « Je l’ai mis en haut à gauche, comme recommandé, et j’utilise uniquement les notifications vocales », précise Chloé Nguyen, enseignante et mère de famille. « Si un message urgent arrive, je me gare. Ce n’est pas compliqué. »
La préparation du trajet : une habitude à adopter
De nombreux professionnels de la sécurité routière recommandent de tout programmer avant de démarrer : playlist, navigation, appels prévus. « C’est comme boucler sa ceinture : un geste automatique avant de partir », compare Étienne Rouvier. « Une minute d’anticipation peut éviter une amende, voire un accident. »
Pour Claire, l’amende n’a pas seulement eu un coût financier. « 750 euros, c’est presque une prime de fin d’année pour moi. C’est énorme. Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est la honte », avoue-t-elle. « J’en ai parlé à mes collègues. Plusieurs ont fait la même erreur. On pensait tous qu’on était dans notre droit tant qu’on ne téléphonait pas. »
Elle a également dû expliquer la situation à son employeur, car son permis de conduire étant son outil de travail (elle effectue des déplacements professionnels), la perte de points a déclenché une alerte dans le système de gestion des véhicules de société. « Mon responsable RH m’a dit qu’il comprenait, mais que si ça se reproduisait, je ne pourrais plus utiliser la voiture de fonction. »
Cette pression sociale et professionnelle ajoute à la gravité de l’infraction. « On ne se rend pas compte que ces lois, même si elles semblent sévères, ont un but préventif. Elles ne visent pas à punir, mais à protéger », insiste Étienne Rouvier.
Comment se tenir informé des évolutions réglementaires ?
Les lois changent, parfois rapidement, et les campagnes de sensibilisation ne touchent pas toujours l’ensemble de la population. Pourtant, l’ignorance n’excuse pas l’infraction.
Des initiatives locales, comme les ateliers de sensibilisation organisés par les mairies ou les préfectures, permettent aux citoyens de mieux comprendre les nouvelles règles. « J’ai participé à une session à Lyon 3, après mon amende », raconte Claire. « On a vu des vidéos d’accidents causés par des distractions. On a fait des simulations. C’était impressionnant. Je ne pensais pas que changer une musique pouvait être aussi risqué. »
Les applications officielles, comme celles de la Sécurité routière ou de l’ANTS, proposent désormais des alertes personnalisées sur les changements de réglementation. « C’est une bonne idée, mais il faut que les gens les installent », note Thomas Lemaire. « Moi, je l’ai fait après avoir vu un collègue se faire verbaliser pour avoir utilisé son GPS en main. »
Quelles leçons tirer de cette affaire ?
L’histoire de Claire Berthier n’est pas isolée. Elle illustre une faille dans la perception des risques : ce que l’on croit anodin peut être dangereux et illégal. La technologie, bien qu’utile, ne doit pas devenir une source de distraction. La responsabilité du conducteur reste entière, quelle que soit la situation.
Les experts s’accordent à dire que la prévention passe par une meilleure éducation routière continue, notamment pour les conducteurs expérimentés. « On apprend à conduire à 18 ans, mais on ne nous forme pas à évoluer avec les nouvelles technologies », observe le docteur Camille Faure. « Il faudrait des modules de mise à jour, comme pour les permis professionnels. »
A retenir
Est-il vraiment interdit de toucher son téléphone pour changer de musique ?
Oui. Toute manipulation manuelle d’un téléphone portable ou d’un appareil électronique pendant la conduite est interdite, même si le véhicule est à l’arrêt dans une file de circulation. Le simple fait de tenir l’appareil en main constitue une infraction.
Peut-on utiliser son téléphone si la voiture est à l’arrêt ?
Non, pas si le moteur est en marche. Même à un feu rouge ou dans un embouteillage, le conducteur est considéré comme en situation de conduite. Seule une immobilisation complète hors de la circulation (sur une aire de repos, par exemple) permet d’utiliser son téléphone librement.
Les commandes vocales sont-elles autorisées ?
Oui, à condition qu’elles soient activées sans toucher l’appareil (par bouton au volant ou commande vocale directe). Le téléphone doit rester fixe et ne pas nécessiter d’interaction manuelle pendant le trajet.
Quelles sont les sanctions en cas de récidive ?
En cas de nouvelle infraction dans les trois ans, la sanction peut être doublée : amende de 1 500 euros, retrait de 6 points, et possibilité de stage obligatoire ou de suspension du permis. Au-delà de trois infractions, une suspension administrative peut être prononcée.
Les caméras automatiques peuvent-elles vraiment détecter l’usage du téléphone ?
Oui. Depuis 2023, certaines caméras sont équipées de systèmes d’intelligence artificielle capables d’identifier les gestes caractéristiques de la manipulation d’un téléphone. Ces images sont ensuite vérifiées par un agent humain avant toute verbalisation.
Existe-t-il des exceptions ?
Oui, en cas d’urgence. L’appel au 112 ou aux secours est autorisé, même en tenant le téléphone. Cependant, il est recommandé d’utiliser les commandes d’urgence intégrées aux voitures modernes (comme l’eCall) ou de se garer si possible.
L’histoire de Claire Berthier est un signal d’alerte. Dans un monde où tout va vite, la conduite doit rester un moment de pleine attention. Une seconde de distraction peut tout changer. En s’adaptant aux nouvelles règles, en adoptant des comportements responsables et en restant informé, chaque conducteur contribue à une route plus sûre pour tous.