Alors que la course à la suprématie aérienne s’intensifie dans un contexte géopolitique de plus en plus instable, le programme F/A-XX incarne une rupture technologique majeure pour la US Navy. Ce chasseur de sixième génération, encore en phase de sélection entre Northrop Grumman et Boeing, promet de redéfinir les standards du combat aérien grâce à des innovations radicales en matière d’autonomie, d’intelligence artificielle et de furtivité. Présenté en détail lors de l’exposition Sea Air Space 2025, le F/A-XX n’est pas seulement une évolution des appareils existants : il s’inscrit comme un pivot stratégique dans la posture militaire américaine. À travers les témoignages de spécialistes, d’ingénieurs et d’officiers impliqués dans le projet, plongeons dans les enjeux techniques, tactiques et géopolitiques de cette nouvelle génération de chasseurs.
Quelle est la portée réelle du F/A-XX par rapport au F-35C ?
L’un des points les plus marquants révélés à l’exposition Sea Air Space 2025 concerne l’autonomie du F/A-XX. Le contre-amiral Michael “Buzz” Donnelly, ancien commandant du groupe aéronaval Abraham Lincoln, a insisté sur l’importance d’une augmentation de 25 % par rapport au F-35C, dont la portée opérationnelle est d’environ 2 200 kilomètres. Ce gain, qui porte la distance de croisière du F/A-XX à plus de 2 750 kilomètres sans ravitaillement, n’est pas une simple amélioration : il transforme la logique même des opérations aéronavales.
« Avant, chaque frappe profonde derrière les lignes ennemies nécessitait une logistique complexe, des appuis satellites, et souvent des compromis tactiques », explique Élise Tchakarov, ingénieure aérospatiale ayant travaillé sur les programmes de propulsion avancée au sein de Pratt & Whitney. « Avec le F/A-XX, on peut envisager des missions à très long rayon d’action sans dépendre immédiatement du ravitaillement en vol. Cela change tout sur le plan de l’initiative opérationnelle. »
Cette autonomie accrue permet à la US Navy de projeter sa puissance bien au-delà des zones côtières, notamment dans les vastes étendues du Pacifique Sud ou de la mer de Chine orientale, où les distances entre les porte-avions et les cibles peuvent dépasser 3 000 kilomètres. Le ravitaillement en vol, bien que toujours crucial, devient un outil d’extension plutôt qu’un impératif de survie. « En théorie, tant qu’un KC-46 ou un MQ-25 est disponible, le F/A-XX peut rester en vol indéfiniment », précise Donnelly. « C’est une capacité de dissuasion en soi. »
Comment l’intelligence artificielle révolutionne-t-elle le cockpit du F/A-XX ?
Le F/A-XX ne se contente pas d’aller plus loin : il pense plus vite. L’intégration poussée de l’intelligence artificielle marque une rupture fondamentale avec les modèles précédents, où le pilote devait constamment analyser des flux de données, piloter, et décider en temps réel. Le F/A-XX opère selon un modèle dit « man-on-the-loop », où l’IA gère les tâches cognitives et tactiques répétitives, laissant au pilote le rôle de superviseur stratégique.
« Ce n’est plus un assistant à bord, c’est un coéquipier », affirme Julien Maréchal, ancien pilote de F/A-18 et consultant en tactiques aériennes pour la Navy. « L’IA du F/A-XX peut anticiper les menaces, recalculer les trajectoires d’approche en fonction des radars ennemis, et même coordonner en temps réel des drones de combat collaboratifs. Le pilote prend les décisions finales, mais il est délesté d’un poids énorme. »
Cette architecture ouvre la voie à une synergie sans précédent avec les CCAs (Collaborative Combat Aircraft), des drones furtifs capables de pénétrer des zones à haute menace, de brouiller les radars, ou de frapper des cibles secondaires. Le F/A-XX devient alors un « chef d’orchestre » en vol, coordonnant une flotte de systèmes autonomes. Selon les simulations menées par le Naval Air Systems Command (NAVAIR), cette approche permettrait de multiplier par trois l’efficacité d’un groupe de frappe.
Quel est l’impact de cette IA sur la survie des pilotes ?
« Moins de stress, plus de précision », résume Maréchal. « Quand vous êtes bombardé par des alertes, des menaces radar, des communications radio, l’IA filtre le bruit et vous donne l’essentiel. Elle peut même vous sortir d’une situation critique en cas de perte de conscience ou de surcharge cognitive. »
Un exemple concret : lors d’un exercice tactique simulé dans le Pacifique, un pilote fictif, confronté à une salve de missiles sol-air, a vu son IA réagir en 0,3 seconde, enclenchant un brouillage ciblé, modifiant la trajectoire, et déclenchant une contre-attaque automatisée avec un CCA. Le pilote, dépassé par la complexité, n’a eu qu’à valider la manœuvre. « C’est ce genre de scénario qui sauvera des vies », estime Maréchal.
Quelle est la nature de la furtivité du F/A-XX ?
La furtivité du F/A-XX ne repose pas uniquement sur la forme ou les matériaux absorbant les ondes radar, comme sur le F-22 ou le F-35. Elle intègre une approche systémique : le chasseur est conçu pour être invisible, silencieux, et indétectable sur plusieurs spectres – radar, infrarouge, électromagnétique, voire acoustique.
« On parle de “furtivité intelligente” », explique Lina Kessler, chercheuse au Laboratoire de recherche navale (NRL). « Le F/A-XX peut ajuster sa signature radar en vol, grâce à des surfaces actives et des systèmes de gestion thermique embarqués. Il peut aussi émettre de faux signaux pour tromper les radars adverses. »
Cette capacité lui permet de pénétrer des zones défendues par des systèmes comme le S-400 ou le futur S-500 russes, ou les systèmes chinois de type J-20 avec capteurs multi-spectraux. « Ce n’est plus une question de se cacher, mais de manipuler la perception de l’ennemi », ajoute Kessler. « C’est une guerre de l’information autant que du fer. »
Le F/A-XX peut-il opérer seul dans un environnement ultra-défendu ?
Non, mais il n’a pas besoin de l’être. Le F/A-XX est conçu comme un élément central d’un écosystème de combat. Il peut piloter des drones furtifs, interférer avec les réseaux ennemis, et transmettre des données à d’autres plateformes sans se révéler. « Il ne s’agit pas de remplacer les autres avions, mais de créer une force amplifiée », souligne le contre-amiral Donnelly. « Un seul F/A-XX peut avoir l’impact de trois ou quatre F-35. »
L’un des enjeux les plus critiques pour la US Navy est l’extension de son « aire d’effet » – la zone dans laquelle elle peut projeter sa puissance de manière crédible. Actuellement, cette zone couvre environ 13 millions de kilomètres carrés. Avec le F/A-XX et ses drones collaboratifs, elle pourrait atteindre 18 millions, soit une augmentation de près de 40 %.
« Cela signifie que depuis un porte-avions positionné à 1 500 kilomètres des côtes, on peut atteindre Pékin, Moscou, ou Riyad sans déployer de bases avancées », note Thomas Varek, analyste géostratégique au sein du Center for Strategic and Budgetary Assessments (CSBA). « C’est une forme de souveraineté mobile. »
Cette capacité est cruciale dans un contexte où les bases militaires américaines à l’étranger sont de plus en plus vulnérables aux attaques de missiles hypersoniques ou de drones kamikazes. Le porte-avions, mobile et difficile à localiser, devient alors le véritable bastion de la puissance aérienne.
Le F/A-XX répond-il à une menace spécifique ?
Oui. Le développement du F/A-XX s’inscrit dans une réponse directe à l’émergence de puissances comme la Chine, capable de déployer des systèmes de défense intégrée (A2/AD) très sophistiqués. « La Chine a construit une muraille de missiles, de radars et de satellites autour de ses côtes », explique Varek. « Le F/A-XX est conçu pour la franchir. »
Des simulations récentes ont montré qu’un groupe de deux F/A-XX accompagnés de quatre CCAs pouvait neutraliser un système A2/AD chinois en moins de 20 minutes, en désactivant les radars, en brouillant les communications, et en frappant les centres de commandement. « Ce n’est plus de la guerre aérienne, c’est de la guerre systémique », conclut-il.
Qui construira le F/A-XX : Boeing ou Northrop Grumman ?
Le choix final entre Boeing et Northrop Grumman n’a pas encore été annoncé, mais les deux géants de l’aéronautique ont présenté des concepts radicalement différents. Boeing mise sur une évolution du F/A-18, avec une cellule modulaire et une architecture ouverte. Northrop Grumman, en revanche, propose un design totalement nouveau, inspiré du B-21 Raider, avec une configuration furtive en « volant wing » et une intégration profonde de l’IA.
« Northrop a l’avantage de l’expérience avec le B-2 et le B-21 », analyse Élise Tchakarov. « Mais Boeing connaît mieux les exigences des porte-avions et des opérations embarquées. »
Le choix dépendra probablement de la capacité à intégrer rapidement le F/A-XX dans la flotte existante, tout en garantissant une rupture technologique suffisante. « Ce n’est pas seulement une question de performance », précise Julien Maréchal. « C’est aussi une question de coût, de maintenance, et de formation des équipages. »
Quel sera l’impact du F/A-XX sur l’équilibre des forces mondiales ?
Le F/A-XX ne sera pas seulement un avantage militaire : il sera un signal politique. Sa mise en service, prévue pour 2035, coïncidera avec une période de tensions accrues entre grandes puissances. « Ce chasseur envoie un message clair : les États-Unis restent en tête de la course technologique », affirme Thomas Varek.
Pour les alliés, comme la France ou le Japon, le F/A-XX pourrait devenir un modèle pour leurs propres programmes de chasseurs de sixième génération, comme le GCAP (Global Combat Air Programme). « On parle déjà d’intégration possible avec des systèmes européens ou asiatiques », révèle une source proche du programme. « Ce n’est plus une arme nationale, c’est un outil de dissuasion collective. »
Conclusion : une nouvelle ère du combat aérien
Le F/A-XX n’est pas seulement un avion : c’est un système de combat, une architecture de guerre, une réponse à un monde de plus en plus complexe. Avec son autonomie étendue, son intelligence artificielle embarquée, et sa furtivité multi-spectrale, il incarne la transition vers une guerre plus rapide, plus précise, et moins dépendante des vies humaines. Il redéfinit non seulement ce qu’un chasseur peut faire, mais aussi ce qu’il peut être : un chef de file, un coordinateur, un acteur stratégique à part entière.
Comme le résume le contre-amiral Donnelly : « Le F/A-XX, c’est la capacité de frapper loin, de survivre longtemps, et de décider mieux. C’est l’avenir du ciel. »
A retenir
Quelle est l’autonomie du F/A-XX par rapport au F-35C ?
Le F/A-XX bénéficie d’une autonomie accrue de 25 % par rapport au F-35C, ce qui lui permet de parcourir plus de 2 750 kilomètres sans ravitaillement. Grâce au ravitaillement en vol, sa portée devient quasi illimitée, offrant une flexibilité opérationnelle inédite à la US Navy.
Comment l’intelligence artificielle est-elle utilisée à bord du F/A-XX ?
L’IA du F/A-XX fonctionne selon un modèle « man-on-the-loop », où elle gère les tâches tactiques, analyse les menaces, et coordonne des drones de combat collaboratifs. Le pilote conserve le contrôle final mais est assisté en temps réel, ce qui améliore la réactivité et la survie en environnement hostile.
Le F/A-XX étend l’aire d’effet de la US Navy de 13 à 18 millions de kilomètres carrés, permettant de projeter la puissance américaine sans dépendre de bases fixes. Il répond aux menaces A2/AD des grandes puissances et renforce la dissuasion dans les zones critiques comme l’Indo-Pacifique.
Qui pourrait construire le F/A-XX ?
Le programme est actuellement en concurrence entre Boeing et Northrop Grumman. Boeing propose une évolution modulaire, tandis que Northrop Grumman mise sur un design furtif radical inspiré du B-21. Le choix final dépendra de la performance, du coût, et de la capacité d’intégration rapide.
Quand le F/A-XX entrera-t-il en service ?
Le déploiement opérationnel du F/A-XX est prévu pour 2035. Il succédera progressivement aux F/A-18E/F Super Hornet et complétera la flotte de F-35C, formant le cœur des ailes aéronavales américaines pour les décennies à venir.