Dans un monde professionnel où les interactions humaines sont de plus en plus scrutées, une affaire singulière a récemment mis en lumière les conséquences insoupçonnées d’une plaisanterie maladroite. Lorna Rooke, employée dévouée du service national de santé britannique (NHS), s’est retrouvée au cœur d’un conflit inattendu après avoir été comparée, sans son consentement, à l’un des personnages les plus emblématiques du mal dans l’univers cinématographique : Dark Vador. Ce rapprochement, né d’un test de personnalité détourné, a déclenché une spirale de stress, d’exclusion et finalement de justice. Ce cas, à la fois surprenant et profondément humain, interroge sur les limites du langage, du respect en milieu professionnel, et sur la manière dont une simple étiquette peut briser une carrière.
Comment un test de personnalité a-t-il pu mener à une comparaison avec Dark Vador ?
Lorna Rooke, psychologue de formation et coordinatrice des dons de sang depuis 2003, était appréciée pour son sérieux et sa rigueur. En 2022, lors d’un atelier de développement personnel proposé par son équipe, elle a été invitée à passer un test basé sur l’Indicateur de type Myers-Briggs (MBTI), outil couramment utilisé pour évaluer les préférences psychologiques dans la prise de décision et l’interaction sociale. Lorna, surchargée de travail à cette période, a demandé à une collègue, Fiona Keenan, de répondre à sa place en se basant sur ce qu’elle connaissait d’elle.
Quelques jours plus tard, Fiona a partagé publiquement les résultats lors d’une pause café. Selon son interprétation, Lorna correspondait à un « type ENTJ » — souvent décrit comme un leader directif, stratégique, parfois perçu comme distant. Mais au lieu de s’en tenir à la terminologie classique, Fiona a ajouté, sur un ton qu’elle croyait humoristique : « On dirait Dark Vador, non ? Froid, charismatique, toujours en contrôle. » Ce commentaire, repris avec des rires dans la salle, a marqué le début d’un calvaire pour Lorna.
« Je me suis sentie exposée, comme si on m’avait collé une étiquette de méchante sans me demander mon avis », confie-t-elle aujourd’hui. « Ce n’était pas une simple blague. C’était une caricature de ma personnalité, fondée sur une interprétation biaisée. » Très vite, elle a remarqué des changements dans les comportements de ses collègues : regards fuyants, silences lorsqu’elle entrait dans une pièce, et même des rumeurs selon lesquelles elle serait « trop autoritaire » ou « intimidante ».
Quel impact cette comparaison a-t-elle eu sur la vie professionnelle de Lorna ?
Le surnom de « Dark Vador » s’est répandu comme une traînée de poudre dans les couloirs du NHS. Ce qui aurait pu rester une plaisanterie anodine a pris une tournure toxique. Lorna, habituellement impliquée dans les projets d’équipe, a été progressivement mise à l’écart. Des invitations à des réunions ont cessé, des collaborateurs ont refusé de travailler avec elle sur des campagnes de collecte de sang, arguant qu’elle « faisait peur aux donneurs ».
« J’ai commencé à douter de moi », raconte-t-elle. « Je me demandais si j’étais vraiment si froide, si inabordable. Mais surtout, je sentais que mon identité professionnelle était en train de m’échapper. » Le climat s’est détérioré au point que Lorna a consulté un psychologue en 2023 pour des épisodes d’anxiété sévère. Malgré plusieurs signalements auprès de sa hiérarchie, aucune mesure concrète n’a été prise. « On m’a dit que c’était “dans ma tête” », déplore-t-elle.
En septembre 2023, après un incident où un jeune stagiaire a refusé de lui remettre un dossier en disant « J’ai peur que vous m’étranglez mentalement », Lorna a démissionné. « Ce n’était plus une question de fierté, mais de survie mentale », explique-t-elle. Son départ a été accueilli avec indifférence, voire soulagement, selon certains témoins. Mais pour elle, c’était la fin d’une carrière de vingt ans, brisée par une étiquette.
Pourquoi Lorna Rooke a-t-elle décidé de porter plainte ?
Après plusieurs mois de réflexion, encouragée par son avocate, Clara N’Diaye, spécialiste du droit du travail, Lorna a décidé de poursuivre son ancien employeur pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité psychologique. L’argument principal : l’employeur n’avait pas réagi face à une situation de dégradation progressive du climat de travail, alimentée par une comparaison déshumanisante.
« Le fait qu’on l’ait assimilée à un personnage de fiction, certes célèbre, mais associé à la tyrannie, au meurtre de Jedi, à la domination par la peur, a eu un effet performatif », explique Clara N’Diaye. « On l’a traitée comme une méchante, donc elle a été traitée comme telle. C’est un cercle vicieux que l’employeur aurait dû briser. »
Lors du procès, la défense a tenté de minimiser l’incident, affirmant que Dark Vador était aussi un leader charismatique, visionnaire, et que la comparaison pouvait être perçue comme flatteuse. « Il a bâti un empire, non ? » a lancé un représentant de l’employeur. Cette argumentation a été mal reçue par le tribunal, qui a souligné que le contexte et la perception de la victime étaient déterminants.
Quelle a été la décision du tribunal ?
En mars 2024, le tribunal de Manchester a rendu un jugement historique. Il a reconnu que la comparaison avec Dark Vador, relayée dans un cadre professionnel sans vérification ni encadrement, avait créé un environnement hostile et discriminatoire. Le tribunal a estimé que l’employeur avait failli à son devoir de protection, en ne prenant pas de mesures pour stopper la stigmatisation.
Lorna Rooke a été condamnée à recevoir une indemnisation de 34 000 euros, couvrant les dommages moraux, la perte de revenus et les frais de santé mentale. « Ce n’est pas une victoire contre une collègue, mais contre une culture du silence et de l’humour toxique », a-t-elle déclaré après le verdict.
Le juge a ajouté une remarque symbolique : « Le fait de comparer un employé à un personnage fictif, surtout lorsqu’il incarne la terreur et la manipulation, ne relève pas de la liberté d’expression, mais d’une forme de dénigrement qui peut avoir des conséquences réelles et durables. »
Quelles sont les implications pour les entreprises et les ressources humaines ?
Cette affaire a fait réagir les spécialistes du management et de la psychologie du travail. Selon Émilien Thibault, consultant en climat organisationnel, « on sous-estime souvent le pouvoir des étiquettes, même humoristiques. Elles peuvent devenir des prophéties autoréalisatrices, surtout dans des environnements hiérarchisés comme le NHS. »
De nombreuses organisations ont commencé à revoir leurs pratiques en matière d’activités de team building. Certains cabinets de formation ont suspendu l’utilisation du MBTI, ou exigent désormais que les résultats restent confidentiels. « On ne peut plus jouer avec la personnalité des gens comme s’il s’agissait d’un jeu », affirme Amina Belkacem, formatrice en intelligence émotionnelle.
Des voix s’élèvent aussi pour demander des formations obligatoires sur le harcèlement indirect, les micro-agressions, et les biais inconscients. « Une blague peut être mortelle si elle est répétée, amplifiée, et laissée sans réponse », insiste Clara N’Diaye.
Quel avenir pour Lorna Rooke après cette affaire ?
Depuis le jugement, Lorna s’est reconvertie dans l’accompagnement des professionnels de santé en souffrance. Elle anime des ateliers sur la bienveillance au travail, la gestion des conflits, et la prévention du burn-out. « J’ai perdu mon emploi, mais j’ai retrouvé ma voix », dit-elle avec un sourire sincère.
Elle collabore désormais avec des syndicats et des associations de santé mentale pour sensibiliser aux risques des diagnostics de personnalité non encadrés. « Je veux que mon histoire serve à protéger d’autres personnes. Personne ne devrait se sentir exclu parce qu’on l’a surnommé comme un personnage de Star Wars. »
A retenir
Est-il légal de comparer un collègue à un personnage de fiction au travail ?
Non, pas si cette comparaison crée un environnement hostile, dénigre la personne ou altère ses conditions de travail. Même si l’intention était humoristique, le caractère répété ou public de la remarque peut être considéré comme une forme de harcèlement moral.
Qu’est-ce que le MBTI et pourquoi est-il controversé ?
L’Indicateur de type Myers-Briggs est un outil psychométrique qui classe les personnalités en 16 types. Bien qu’il soit populaire en entreprise, de nombreux psychologues le critiquent pour son manque de validité scientifique. Son utilisation sans encadrement peut mener à des interprétations abusives ou réductrices.
Peut-on être licencié pour avoir fait une blague de ce type ?
Directement, ce n’est pas la blague en elle-même qui mène au licenciement, mais son impact répété sur le climat de travail. Si elle participe à un harcèlement avéré ou à une discrimination, des sanctions disciplinaires, voire judiciaires, peuvent être prises.
Quel recours a un employé victime de stigmatisation basée sur une étiquette ?
Il peut signaler l’incident à sa hiérarchie ou au service RH. En l’absence de réponse, il peut saisir les prud’hommes pour harcèlement moral ou manquement à l’obligation de sécurité psychologique. Des témoignages, des échanges écrits ou des preuves de détérioration de santé sont alors essentiels.
Cette affaire pourrait-elle devenir un précédent en droit du travail ?
Oui, elle ouvre une brèche importante. Pour la première fois, une comparaison à un personnage fictif a été reconnue comme un facteur de dégradation du cadre de travail. Cela pourrait inspirer d’autres recours dans des cas similaires, notamment ceux impliquant des surnoms dévalorisants ou des diagnostics non fondés.
L’affaire Lorna Rooke n’est pas qu’un fait divers insolite. C’est un miroir tendu à nos organisations, un rappel que derrière chaque sourire forcé, chaque rire gêné, il peut y avoir une souffrance silencieuse. Dans un monde où l’humain est parfois réduit à un type, un score, ou un surnom, il est temps de redonner sa place à la dignité.