Maillot obligatoire à Jablines-Annet : pourquoi cette règle stricte en 2025

En plein cœur de l’été, sous un soleil de plomb, la plage de Jablines-Annet attire des milliers de visiteurs en quête de fraîcheur, de détente et de moments simples en famille. Pourtant, derrière l’image idyllique du lac, des sifflets retentissent, des annonces résonnent, et des regards se croisent parfois avec malaise. Un règlement strict, en vigueur depuis plus de quinze ans, impose une règle claire : seuls le maillot de bain et le short de bain sont autorisés dans l’eau. Ce cadre, conçu pour des raisons de sécurité et d’hygiène, soulève des tensions, des incompréhensions, mais aussi des moments de dialogue. Entre vigilance, respect et convivialité, la plage devient un microcosme de la société française en été – vivante, diverse, parfois tendue, mais toujours en mouvement.

Quelle est la règle à Jablines-Annet et pourquoi fait-elle débat ?

À l’entrée de la plage, des panneaux clairs, illustrés de pictogrammes, indiquent ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Se baigner en vêtements civils – T-shirt, pantalon, robe, ou tenues couvrantes comme le burkini – est interdit. Seuls les maillots de bain et les shorts spécifiques, conçus pour la natation, peuvent franchir la limite entre le sable et l’eau. Cette règle, issue d’un arrêté préfectoral datant de 2008, n’a rien d’arbitraire, mais elle surprend souvent les nouveaux venus.

Élodie Ravel, mère de deux enfants, visite la plage depuis cinq ans. Ce vendredi d’août, elle installe sa serviette près du poste de secours. « La première fois, j’ai vu une femme en burkini se faire interpeller. Je ne savais pas quoi penser. J’ai trouvé ça dur, mais en même temps, je comprends la logique. Si on veut que l’eau reste propre et que les secours soient efficaces, il faut des règles. » Son fils, Lucas, 11 ans, plonge aussitôt dans l’eau, en maillot fluo. « Ici, on sait qu’on ne peut pas mettre de tee-shirt, même pour se protéger du soleil. C’est comme ça. »

Le débat ne porte pas sur la tenue en elle-même, mais sur l’uniformité de l’application de la règle. Certains s’interrogent : pourquoi un short de bain est-il accepté alors qu’il couvre autant qu’un burkini ? Pourquoi tolérer les chapeaux ou les lunettes de soleil, mais pas un vêtement couvrant ? Ces questions, bien que légitimes, se heurtent à un cadre juridique ancien, conçu dans un contexte différent.

Quelles sont les raisons derrière cette réglementation ?

La sécurité avant tout : un vêtement mouillé peut être dangereux

Marco Bonfils, chef des maîtres nageurs depuis douze ans, explique calmement : « Quand un vêtement s’imbibe d’eau, il pèse plusieurs kilos. Imaginez que quelqu’un se noie. Un T-shirt ou un pantalon devient un piège. Il ralentit le sauvetage, alourdit la personne, et peut empêcher de flotter. » Il montre du doigt un maillot de foot trempé, abandonné sur le sable après une intervention. « Ce genre de tenue, ce n’est pas fait pour la baignade. Et même si la personne nage bien, en cas de crise, on perd du temps. »

Les maîtres nageurs sont formés à l’intervention rapide. Chaque seconde compte. Un vêtement inadapté complique l’extraction, rend la prise plus difficile, et augmente le risque d’erreur. Leur priorité absolue ? Que personne ne meure. « Zéro noyade depuis 2008, c’est notre objectif. Et on ne le lâche pas », insiste Marco.

Hygiène : l’eau du lac vient de la nappe phréatique

Le lac de Jablines-Annet n’est pas alimenté par l’eau du robinet. Il puise directement dans la nappe phréatique, ce qui impose des normes strictes de qualité. Tout vêtement porté au quotidien – même propre – peut libérer des fibres, des résidus de lessive, ou des micro-organismes. Un maillot de bain, lui, est conçu pour être lavé à l’eau claire et ne libère pas les mêmes substances.

« On fait des prélèvements toutes les 48 heures », précise Cyrille Marchadour, le directeur du site. « L’eau doit rester conforme aux normes sanitaires. Si on laissait tout le monde se baigner en vêtements civils, on aurait des pics de pollution. Et à 5 500 personnes par jour, ça fait beaucoup de tissus en circulation. »

Le burkini, souvent au cœur des discussions, n’est pas explicitement visé par le règlement. Il est interdit non pas pour des raisons religieuses, mais parce qu’il entre dans la catégorie des « vêtements civils ». « Ce n’est pas une question de religion, c’est une question de fonction », souligne Marchadour. « Si demain, un maillot couvrant, adapté à la baignade, est homologué, il sera autorisé. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. »

Comment se déroulent les contrôles sur place ?

Les maîtres nageurs alternent entre surveillance active et prévention. Trois postes de secours encerclent le lac. Le sifflet est leur premier outil. Un coup : attention. Deux coups : rappel. Trois coups : intervention. Mais le micro reste leur voix officielle.

« APT. » de Bruno Mars et Rosé résonne un moment, puis une voix enregistrée coupe net : « Attention, la baignade en vêtements civils est strictement interdite. Seuls les maillots de bain et shorts de bain sont autorisés. » L’annonce revient toutes les vingt minutes, parfois plus souvent quand l’affluence monte.

Le système est gradué. « On ne sanctionne pas directement », explique Marco. « On interpelle une fois, on explique. Deux fois, on insiste. Trois fois, on utilise le micro. Et si la personne reste dans l’eau, on appelle les gendarmes. »

Le 13 août, un attroupement s’est formé après l’interpellation d’un homme en chemise. « Il disait qu’il avait payé son entrée, donc il avait le droit », raconte Lina Boukari, maître nageuse. « On a dû rappeler que le règlement fait partie des conditions d’accès. » Les gendarmes de Meaux sont intervenus pour désamorcer la tension. L’homme a finalement retiré sa chemise, mais est resté sur la plage, chapeau noir vissé sur la tête, short jaune brillant au soleil.

Les interventions sont nombreuses : près d’une centaine par jour en période de pointe. Les maillots de foot, les débardeurs, les leggings – tous finissent sur le sable, parfois avec un soupir, parfois avec un sourire. « On essaie de rester calmes, de ne pas humilier », dit Lina. « Mais on est aussi là pour protéger. »

Quelles sont les tensions observées sur la plage ?

Les tensions ne sont pas systématiques, mais elles existent. Elles naissent parfois d’un malentendu, parfois d’un sentiment d’injustice. Sarah Lemoine, 33 ans, témoigne : « Dimanche, j’ai entendu l’annonce cibler une femme en burkini. C’était bizarre. On aurait dit qu’on la désignait. Elle est sortie lentement, les yeux baissés. »

Le ton des annonces, même neutre, peut paraître impersonnel. « On ne veut pas cibler, on veut rappeler la règle », insiste Marchadour. « Mais je comprends que ça puisse sonner comme une mise en cause. »

Des parents s’inquiètent aussi pour leurs enfants. « Mon fils a la peau très claire, il brûle en dix minutes », raconte Amélie Tran, arrivée de Seine-Saint-Denis. « Je voudrais qu’il puisse mettre un tee-shirt, mais ici, c’est non. Alors je l’asperge toutes les dix minutes, j’applique de la crème, mais c’est fatigant. »

Le paradoxe est là : la règle vise à protéger, mais elle peut exposer à d’autres risques, comme les coups de soleil. Pourtant, les autorités ne dérogent pas. « On ne peut pas faire d’exception, sinon le système s’effondre », affirme Marco. « Soit tout le monde suit la règle, soit personne ne la suit. »

Comment concilier sécurité, respect et convivialité ?

La plage de Jablines-Annet n’est pas un terrain de confrontation, mais un lieu de vie. Malgré les tensions ponctuelles, l’ambiance reste majoritairement détendue. Les enfants jouent, les groupes discutent, les bouées flottent. La règle est connue, même si elle n’est pas toujours acceptée.

« On n’est pas là pour juger, on est là pour sauver des vies », répète Lina. « Quand une famille rigole ensemble, quand un enfant apprend à nager, c’est pour ça qu’on est là. Pas pour faire la police. »

Le défi est de maintenir un équilibre : être ferme sur les principes, mais humain dans l’application. « On voit des gens qui viennent de loin, qui ont fait des efforts pour être là », dit Marchadour. « On ne veut pas gâcher leur journée. Mais on ne peut pas non plus compromettre la sécurité. »

Des solutions alternatives sont envisagées. Certains proposent des maillots UV homologués, qui couvrent tout en étant adaptés à la baignade. D’autres suggèrent des zones d’ombre plus larges, ou des horaires de baignade dédiés aux personnes souhaitant se protéger du soleil. « On travaille là-dessus », confie Marchadour. « Mais pour l’instant, la règle reste celle-là. »

A retenir

Quelle est la règle de baignade à Jablines-Annet ?

Seuls les maillots de bain et les shorts de bain sont autorisés dans l’eau. Les vêtements civils, y compris les T-shirts, pantalons, robes ou burkinis, sont interdits, même s’ils sont portés pour des raisons culturelles, religieuses ou de protection solaire.

Pourquoi cette règle existe-t-elle ?

Elle repose sur deux piliers : la sécurité et l’hygiène. Un vêtement trempé devient lourd et peut gêner un sauvetage en cas de noyade. De plus, l’eau du lac provient de la nappe phréatique, et tout vêtement non adapté peut altérer sa qualité sanitaire.

Le burkini est-il explicitement interdit ?

Non, le burkini n’est pas nommé dans le règlement. Il est interdit parce qu’il entre dans la catégorie des vêtements civils. La règle ne cible pas une tenue en particulier, mais son adaptation à la baignade.

Les maîtres nageurs sont-ils autorisés à forcer les gens à sortir de l’eau ?

Ils peuvent interpeller, rappeler la règle, et utiliser le micro pour des annonces générales. En cas de non-respect répété, ils peuvent faire appel aux forces de l’ordre, qui ont le pouvoir d’intervenir pour faire respecter l’arrêté préfectoral.

Y a-t-il des exceptions prévues ?

Non, il n’existe pas d’exceptions officielles. Cependant, les maîtres nageurs tolèrent parfois que des personnes trempent leurs jambes jusqu’aux genoux sans être en maillot, pour éviter des sanctions immédiates dans des cas isolés.

Quel est l’objectif principal des contrôles ?

L’objectif est d’assurer la sécurité des baigneurs et de préserver la qualité de l’eau. L’équipe vise zéro noyade à la fin de chaque saison, tout en maintenant un climat de convivialité et de respect mutuel.