Trop de pigeons à Calais : la mairie agit avec une mesure inédite

À Saint-Venant, dans le Pas-de-Calais, une décision municipale a récemment provoqué une onde de choc parmi les habitants et les défenseurs des animaux. Alors que la ville fait face à une prolifération croissante de pigeons dans son centre-ville, la mairie a annoncé une campagne de dépigeonnisation radicale : capturer et euthanasier la moitié d’une colonie d’environ cent cinquante oiseaux. Cette mesure, justifiée par des nuisances sonores, des risques sanitaires et des dégradations matérielles, suscite un vif débat entre autorités locales et associations de protection animale. Entre arguments techniques, préoccupations éthiques et témoignages de riverains, le conflit révèle des tensions profondes sur la manière dont les villes gèrent la cohabitation entre humains et faune urbaine.

Pourquoi la mairie de Saint-Venant agit-elle contre les pigeons ?

Depuis plusieurs mois, les habitants du centre-ville de Saint-Venant constatent une présence accrue de pigeons. Ces oiseaux s’installent sur les toits des bâtiments municipaux, sous les auvents des commerces et même dans les espaces publics fréquentés. Selon un communiqué publié le 25 septembre 2025 sur les réseaux sociaux de la ville, cette colonie de plus d’une centaine d’individus génère des désagréments tangibles. Les nuisances sonores, particulièrement perceptibles aux premières heures du jour, sont régulièrement évoquées par les résidents. Mais ce sont surtout les déjections, qualifiées d’ acides , qui inquiètent : elles endommagent les façades, les statues et les supports en pierre ou en métal, nécessitant des réparations coûteuses.

Élodie Ravel, restauratrice d’art et conseillère municipale chargée du patrimoine, s’inquiète : Nous avons observé une dégradation accélérée des corniches de l’église Saint-Venant. Les fientes de pigeons, riches en acide urique, attaquent les matériaux anciens. C’est un travail de sape constant.

La municipalité évoque également des risques sanitaires. Les pigeons peuvent transporter des parasites externes comme les acariens ou les puces, et leurs déjections, en se desséchant, libèrent des spores pouvant provoquer des maladies respiratoires chez les personnes sensibles. Une étude menée par l’Agence régionale de santé (ARS) en 2024 avait d’ailleurs alerté sur la présence de champignons pathogènes dans les zones fortement infestées.

Comment se déroulera la campagne de dépigeonnisation ?

La mairie affirme agir dans le cadre d’un protocole officiel validé par les services vétérinaires. Les pigeons seront capturés à l’aide de filets et de cages spécifiques, puis euthanasiés au dioxyde de carbone dans des caissons étanches. Cette méthode, reconnue comme indolore par l’Office vétérinaire européen, vise à limiter la souffrance animale tout en assurant une élimination efficace.

Le maire, Laurent Chambon, s’est exprimé devant le conseil municipal : Nous ne prenons pas cette décision à la légère. Mais nous avons un devoir de protection envers nos concitoyens, notre patrimoine et la salubrité publique. Réduire de 50 % la population est un objectif mesuré, pas une extermination.

Les opérations seront menées en plusieurs phases, avec un suivi rigoureux par des techniciens qualifiés. La municipalité prévoit également de nettoyer les zones contaminées et d’appliquer des traitements préventifs pour dissuader les oiseaux de revenir.

Quelles alternatives proposent les défenseurs des animaux ?

L’association Stéphane Lamart, spécialisée dans la protection de la faune urbaine, dénonce une solution barbare et affirme que des alternatives existent. Les pigeons sont des animaux pacifiques et inoffensifs. Ils ne sont pas agressifs, ne transmettent pas de maladies en temps normal, et font partie intégrante de notre écosystème urbain , affirme Camille Noguier, porte-parole de l’association.

Elle pointe du doigt des méthodes éprouvées ailleurs en France : À Toulouse, par exemple, des pigeonniers de régulation ont été installés. Ces structures permettent de contrôler les naissances en retirant une partie des œufs, puis en les remplaçant par des œufs factices. Cela stabilise la population sans tuer les oiseaux.

À Nantes, une campagne similaire a permis de réduire de 40 % la population de pigeons en trois ans, sans euthanasie. On peut cohabiter, insiste Camille. Il suffit de vouloir essayer.

Les habitants sont-ils tous d’accord avec la mairie ?

Les avis des Saint-Venantois sont partagés. Certains, comme Marc Tissier, boulanger de père en fils, se disent soulagés : Chaque matin, je nettoyais les marches de ma boutique. Les clients se plaignaient de l’odeur, des traces sur leurs chaussures. Je comprends la mairie.

En revanche, d’autres habitants expriment une profonde tristesse. Clémentine Dubreuil, enseignante en école maternelle, raconte : Mes élèves nourrissaient les pigeons pendant la récréation. Ce n’était pas autorisé, mais c’était un moment de douceur. Maintenant, ils me demandent pourquoi les oiseaux disparaissent. Comment leur expliquer qu’on les tue ?

Un groupe de citoyens a même lancé une pétition en ligne, réclamant le report de la campagne et l’ouverture d’un débat public. On ne peut pas régler un problème écologique par la mort , affirme Léa Fournier, l’une des initiatrices du mouvement.

Quels sont les risques d’une telle mesure à long terme ?

Les experts en écologie urbaine mettent en garde contre les effets pervers de l’élimination brutale. Supprimer une partie de la population ne règle pas le fond du problème , explique le docteur Henri Masseau, biologiste à l’université de Lille. Si les conditions d’accueil restent favorables – nourriture facilement accessible, abris disponibles – de nouveaux pigeons viendront coloniser l’espace libéré. On risque un effet rebond.

Il ajoute que la gestion durable des populations d’oiseaux passe par une approche globale : limitation des sources de nourriture (interdiction de nourrir les pigeons en public), installation de dispositifs dissuasifs (picots, filets), et surtout, sensibilisation des citoyens. Il faut changer les comportements, pas seulement les effectifs.

C’est d’ailleurs ce que regrette Camille Noguier : La mairie a choisi la solution la plus rapide, pas la plus intelligente. Elle aurait pu lancer une campagne de sensibilisation, expérimenter des méthodes douces. Mais elle a préféré le silence et l’effacement.

La loi autorise-t-elle l’euthanasie des pigeons ?

En France, les pigeons urbains ne bénéficient pas d’un statut juridique particulier. Considérés comme des animaux sauvages, ils peuvent être soumis à des plans de gestion en cas de nuisances avérées. L’euthanasie est autorisée, sous certaines conditions, notamment si elle est effectuée selon un protocole vétérinaire validé et si d’autres méthodes ont été jugées inefficaces.

Cependant, la loi contre la maltraitance animale de 2021 a renforcé les obligations morales des collectivités. Toute mesure de régulation doit être proportionnée, et les alternatives non létales doivent être sérieusement envisagées , précise Maître Solène Ricard, avocate spécialisée en droit animalier.

À ce titre, l’association Stéphane Lamart envisage de contester la décision devant le tribunal administratif, arguant d’un manque de justification suffisante et d’un défaut de concertation.

Quels exemples de villes ont réussi une cohabitation pacifique ?

À Lyon, une expérience menée dans le quartier de la Croix-Rousse a montré des résultats encourageants. Depuis 2020, la municipalité a installé des pigeonniers de régulation, formé des bénévoles à la gestion des colonies, et lancé une campagne d’information dans les écoles. Résultat : la population de pigeons a baissé de 35 %, sans euthanasie.

À Bruxelles, une stratégie similaire a été adoptée, avec en plus l’interdiction de vendre de la nourriture pour pigeons dans les kiosques publics. L’idée n’est pas de nourrir les oiseaux, mais de les accompagner , résume une responsable de la cellule biodiversité urbaine belge.

À Saint-Venant, certains citoyens suggèrent de s’inspirer de ces modèles. On n’est pas une grande ville, reconnaît Clémentine Dubreuil. Mais on peut faire preuve d’humanité.

Quelle est la suite du conflit ?

Pour l’instant, la mairie maintient son calendrier. Les premières captures doivent débuter mi-octobre 2025. Toutefois, face à la pression médiatique et citoyenne, Laurent Chambon a annoncé une réunion publique pour octobre. Nous écouterons les arguments. Mais nous ne reviendrons pas sur une décision prise pour des raisons de santé et de sécurité publiques.

En coulisse, des discussions informelles ont commencé entre la municipalité et des représentants de l’association Stéphane Lamart. Un comité de suivi pourrait être mis en place, avec des experts en écologie urbaine.

Conclusion

L’affaire des pigeons de Saint-Venant dépasse largement le cadre local. Elle interroge notre rapport à la nature en milieu urbain, notre capacité à trouver des solutions durables plutôt que rapides, et notre conception de la compassion collective. Entre pragmatisme municipal et éthique animale, le débat reflète une tension croissante dans les villes françaises : comment vivre ensemble, humains et non-humains, sans sacrifier ni notre confort, ni nos valeurs ?

FAQ

Les pigeons sont-ils dangereux pour la santé ?

Les pigeons peuvent présenter des risques sanitaires dans des cas précis, notamment en cas de forte concentration de déjections non nettoyées. Ces dernières peuvent contenir des champignons ou des bactéries pouvant affecter les personnes immunodéprimées ou souffrant de maladies respiratoires. Toutefois, ces risques restent limités dans des conditions normales de salubrité.

Existe-t-il des méthodes non létales pour réguler les populations de pigeons ?

Oui, plusieurs méthodes sont utilisées avec succès : les pigeonniers de régulation, qui permettent de contrôler les naissances en remplaçant les œufs par des œufs factices ; les dispositifs dissuasifs (picots, filets, ultrasons) ; et la sensibilisation du public pour éviter de les nourrir. Ces approches, bien qu’exigeant plus de temps et de coordination, sont considérées comme plus durables et éthiques.

Qui prend la décision d’euthanasier des animaux en milieu urbain ?

C’est généralement la collectivité territoriale (mairie ou intercommunalité) qui prend cette décision, souvent après avis de services techniques, vétérinaires ou de l’Agence régionale de santé. Elle doit s’inscrire dans un cadre réglementaire et respecter les protocoles en vigueur.

Les pigeons sont-ils protégés par la loi ?

Les pigeons urbains ne sont pas protégés en tant qu’espèce en France. Ils sont classés comme animaux sauvages et peuvent faire l’objet de plans de gestion en cas de nuisances. Toutefois, toute intervention doit respecter les règles de bien-être animal, notamment en évitant la souffrance inutile.

Peut-on contester une décision de dépigeonnisation ?

Oui, une décision de ce type peut être contestée devant le tribunal administratif, notamment si elle est jugée disproportionnée, illégale ou prise sans concertation. Les associations de protection animale ou les citoyens peuvent engager une procédure pour demander son annulation ou sa suspension.

A retenir

Pourquoi la mairie de Saint-Venant veut-elle réduire la population de pigeons ?

En raison de nuisances sonores, d’odeurs, de dégradations matérielles causées par les déjections, et de risques sanitaires potentiels liés à la présence massive d’oiseaux en centre-ville.

Quelle méthode d’euthanasie est prévue ?

Les pigeons capturés seront euthanasiés au dioxyde de carbone dans des caissons étanches, une méthode reconnue comme indolore par les autorités vétérinaires.

Quelle est la position de l’association Stéphane Lamart ?

L’association dénonce une solution inhumaine et propose des alternatives éthiques, comme les pigeonniers de régulation, pour gérer la population sans tuer les oiseaux.

Y a-t-il un débat public en cours ?

Oui, une réunion publique est prévue en octobre 2025. Par ailleurs, une pétition citoyenne et des discussions informelles entre la mairie et l’association sont en cours.

Quelles villes ont adopté des solutions alternatives ?

Lyon, Toulouse, Nantes et Bruxelles ont mis en œuvre des stratégies non létales, combinant pigeonniers, sensibilisation et dispositifs dissuasifs, avec des résultats probants sur la réduction des populations.