La saison hivernale 2024-2025 a laissé des traces profondes dans le système de santé français. Marquée par une épidémie de grippe précoce, d’une ampleur et d’une sévérité rares, elle a mis en lumière les fragilités d’une population insuffisamment protégée. Selon Santé publique France, l’épidémie a concerné toutes les tranches d’âge, entraînant près de trois millions de consultations en médecine de ville, 30 000 hospitalisations et une surmortalité dépassant les 17 000 décès. Un bilan lourd, qui relance le débat sur l’efficacité des campagnes de vaccination et la nécessité d’une meilleure adhésion du public. À l’aube d’un nouvel hiver, les autorités sanitaires lancent un appel pressant à la vigilance collective.
Quand l’hiver devient une menace sanitaire majeure ?
Le froid n’est pas seulement une question de thermomètre. Il s’accompagne chaque année d’un risque accru de maladies respiratoires, notamment la grippe et le Covid-19. L’hiver dernier, ces deux virus ont circulé simultanément, amplifiant leur impact. Contrairement aux saisons précédentes, l’épidémie de grippe a démarré tôt, dès novembre 2024, et s’est prolongée bien au-delà de la période habituelle. Ce phénomène, qualifié d’ atypique par les épidémiologistes, a mis sous pression les services d’urgence et les établissements de soins.
Élodie Renard, pneumologue à l’hôpital de Rennes, témoigne : Nous avons vu affluer des patients de tous âges, y compris des jeunes adultes en bonne santé, qui ont développé des complications sévères. La grippe n’est pas un rhume bénin. Elle peut provoquer des pneumonies, des décompensations cardiovasculaires, voire des syndromes de détresse respiratoire.
Le bilan humain est d’autant plus préoccupant que les décès liés à la surmortalité hivernale incluent des personnes vulnérables, mais aussi des individus sans antécédents médicaux majeurs. Ce constat interroge : pourquoi une population aussi exposée ne se protège-t-elle pas davantage ?
Comment la vaccination peut-elle sauver des vies ?
La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière débute officiellement le 14 octobre 2025 en France métropolitaine. Elle vise en priorité les personnes âgées de 65 ans et plus, les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladies chroniques, ainsi que les professionnels de santé. Cette année, près de 19 millions de personnes sont invitées à se faire vacciner, une cible fixée par l’Assurance maladie et la Mutualité sociale agricole (MSA).
Le message est clair : la vaccination n’est pas seulement un acte individuel, mais un geste de solidarité. Se protéger, c’est aussi protéger les autres , insiste Didier Lepelletier, directeur général de la Santé. Cette phrase résonne particulièrement dans les foyers où cohabitent des personnes fragiles et des jeunes actifs souvent asymptomatiques.
À Lyon, Thomas Marchal, retraité de 72 ans, raconte : L’an dernier, j’ai refusé le vaccin. Je pensais que mon système immunitaire suffisait. Mais j’ai attrapé la grippe en janvier, et j’ai passé trois semaines en soins intensifs. Aujourd’hui, je me fais vacciner chaque année, et j’encourage mes voisins à faire de même.
Pourquoi la couverture vaccinale reste-t-elle insuffisante ?
Malgré les appels répétés des autorités, les taux de vaccination stagnent. En 2024-2025, seulement 54 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont été vaccinées contre la grippe, et 25 % des adultes de moins de 65 ans présentant des facteurs de risque. Pour le Covid-19, le chiffre tombe à 22 % chez les seniors. Un écart considérable par rapport aux objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la santé.
Les données révèlent une réalité inquiétante : parmi les patients admis en réanimation pour grippe ou Covid-19 sévère, près de la moitié n’étaient pas vaccinés, alors même qu’ils présentaient des pathologies à risque. Ce constat soulève des questions sur l’efficacité de la communication publique et sur les freins psychologiques à la vaccination.
Le Dr Amina Belkacem, généraliste à Marseille, observe : Beaucoup de mes patients pensent que la grippe est une maladie du passé. D’autres croient que les vaccins sont inutiles parce qu’ils ne protègent pas à 100 %. Je passe des heures à expliquer que même une protection partielle réduit les risques de complications.
Quels sont les principaux freins à la vaccination ?
Les raisons du refus ou du retard à la vaccination sont multiples. D’après Santé publique France, deux motifs dominent : le rejet d’une vaccination annuelle jugée inutile ou trop fréquente , et la préférence pour les gestes barrières comme le lavage des mains ou le port du masque. En 2024, 42 % des personnes interrogées estimaient que les gestes barrières suffisaient contre le Covid-19, contre 31 % pour la grippe.
Les craintes liées aux effets indésirables persistent, surtout pour les vaccins contre le Covid-19. 26 % des répondants ont cité cette raison comme principale source d’hésitation. Pour la grippe, un autre phénomène émerge : la confiance accrue dans les médecines alternatives. 28 % des personnes opposées à la vaccination antigrippale recourent à l’homéopathie ou à d’autres approches non conventionnelles, particulièrement chez les plus de 80 ans.
Clémence Vasseur, 81 ans, habitante d’un village du Lot, explique : Je prends des granules homéopathiques chaque automne. Mon fils médecin me dit que c’est de la superstition, mais j’ai toujours été en bonne santé. Je ne veux pas d’injection. Ce témoignage illustre la difficulté de concilier croyances personnelles et recommandations scientifiques.
Comment combattre la désinformation ?
La prolifération de fausses informations sur les vaccins, relayées par les réseaux sociaux et certaines plateformes en ligne, alimente la méfiance. Des discours minimisant la gravité de la grippe ou exagérant les risques des vaccins circulent librement, atteignant un public souvent mal armé pour les décrypter.
Le sociologue Julien Mercier, spécialiste des représentations de la santé, analyse : Il y a une forme de fatigue post-pandémie. Beaucoup de gens ont l’impression d’avoir été sur-informés, voire manipulés. Cela crée un climat de défiance envers les institutions. La clé, c’est de reconstruire la confiance par le dialogue, pas par la contrainte.
Des initiatives locales tentent de répondre à ce défi. À Strasbourg, des ateliers de discussion sont organisés dans les maisons de retraite, animés par des soignants et des patients vaccinés. Entendre le témoignage de quelqu’un qui a vécu la maladie, ça parle plus qu’un tract , note Sophie Langlois, coordinatrice du projet.
Faut-il rendre la vaccination obligatoire ?
La question de l’obligation vaccinale refait surface à chaque épidémie. En 2025, elle est relancée à l’approche des fêtes de fin d’année, période de forte circulation virale. Certains experts, comme le Pr Laurent Duhamel, infectiologue à Paris, plaident pour une obligation ciblée : Pour les soignants, les aidants, les personnes en contact avec des publics vulnérables, la vaccination devrait être une condition d’exercice. Ce n’est pas une atteinte à la liberté, mais une exigence éthique.
En revanche, d’autres s’opposent à une généralisation de l’obligation. Cela risquerait de renforcer la défiance et de stigmatiser les réticents , estime la bioéthicienne Camille Rousseau. Mieux vaut investir dans l’éducation sanitaire et l’accessibilité des vaccins.
Le débat reste ouvert, mais une chose est sûre : l’approche purement coercitive n’a pas fait ses preuves. La réponse passe par une politique de santé plus humaine, plus proche des citoyens.
Que peut-on attendre de la campagne 2025-2026 ?
Face à l’urgence, les autorités misent sur une campagne de communication renforcée, associant médecins traitants, pharmacies, associations de patients et médias. L’accent est mis sur la simplicité d’accès : les vaccins seront disponibles sans ordonnance, et des points de vaccination mobiles seront déployés dans les zones rurales.
Un nouveau message est également diffusé : la vaccination contre la grippe et le Covid-19 peut être réalisée lors d’un même passage. C’est un gain de temps, mais aussi une opportunité de renforcer la protection , explique le Dr Léa Nguyen, coordinatrice régionale de Santé publique France.
À Lille, un programme pilote a été lancé dans les entreprises : des infirmiers passent sur les lieux de travail pour vacciner les salariés. En une matinée, nous avons vacciné 85 % des employés , se félicite Cédric Morel, responsable RH d’une PME. Beaucoup disaient qu’ils n’avaient pas le temps d’aller chez le médecin. On leur a enlevé cet obstacle.
Conclusion
L’hiver 2024-2025 a été un rappel brutal des dangers des infections respiratoires. Alors que la campagne de vaccination 2025-2026 s’annonce, le défi n’est plus seulement sanitaire, mais aussi social et culturel. Il s’agit de convaincre, d’accompagner, de rassurer. La science dispose des outils pour prévenir les épidémies. Il reste à les rendre désirables, accessibles et compris par tous. La santé publique ne se construit pas contre les citoyens, mais avec eux.
A retenir
Quel a été l’impact de l’épidémie de grippe 2024-2025 en France ?
L’épidémie a été précoce, longue et sévère, touchant toutes les classes d’âge. Elle a entraîné près de 3 millions de consultations, 30 000 hospitalisations et plus de 17 000 décès. Elle a mis en lumière les insuffisances de la couverture vaccinale, notamment chez les personnes vulnérables.
Qui est concerné par la vaccination contre la grippe et le Covid-19 en 2025 ?
Près de 19 millions de personnes sont invitées à se faire vacciner, notamment les plus de 65 ans, les personnes à risque, les femmes enceintes et les professionnels de santé. La campagne débute le 14 octobre 2025.
Pourquoi tant de personnes refusent-elles la vaccination ?
Les principaux freins sont le rejet d’une vaccination annuelle, la préférence pour les gestes barrières, la crainte des effets indésirables, et, pour certains, la confiance dans les médecines alternatives. La désinformation joue également un rôle important.
La vaccination peut-elle vraiment faire la différence ?
Oui. Même si elle ne protège pas à 100 %, elle réduit significativement le risque de formes graves, d’hospitalisation et de décès. Elle constitue aussi un acte de solidarité en protégeant les personnes vulnérables autour de soi.
Faut-il rendre la vaccination obligatoire ?
Le débat est ouvert. Certains plaident pour une obligation ciblée, notamment pour les professionnels de santé. D’autres préfèrent une approche basée sur l’éducation, l’accessibilité et la confiance. Une solution unique ne semble pas adaptée à la diversité des situations.