Une roseraie d’exception s’installe au château de Chantore à Bacilly

Perché sur les hauteurs de Bacilly, dans la Manche, le château de Chantore semble sortir tout droit d’un rêve ancien. Construit en 1780, ce domaine élégant et discret incarne une époque où l’architecture et la nature dialoguaient harmonieusement, à la croisée des Lumières et du romantisme naissant. Depuis leur arrivée en 2013, Bernard Legal et son partenaire ont entrepris une métamorphose patiente et passionnée de ce lieu endormi, transformant peu à peu les ruines d’un passé oublié en un havre de beauté et de sérénité. Aujourd’hui, avec l’inauguration de la Roseraie, Chantore renaît véritablement, comme une promesse tenue à l’histoire et à l’art de vivre.

Quelle est l’histoire du château de Chantore ?

Édifié à la fin du XVIIIe siècle, le château de Chantore fut conçu dans un esprit résolument romantique, marqué par les derniers échos du Siècle des Lumières. Son architecture sobre mais élégante, ses ouvertures généreuses sur le paysage et sa disposition harmonieuse reflètent une volonté d’unité entre l’homme et la nature — une philosophie chère à Bernard Legal, qui a toujours été fasciné par cette période de transition entre rationalisme et sensibilité. Le domaine, à l’écart des grandes routes, a longtemps échappé aux regards, préservant une atmosphère de mystère et de calme.

Avant l’arrivée des actuels propriétaires, Chantore avait subi les outrages du temps. Fermé, partiellement ruiné, il avait perdu de sa splendeur initiale. Les toitures fuyaient, les allées étaient envahies par la végétation, et les pièces du château n’évoquaient plus que des souvenirs lointains de faste. Pourtant, quelque chose dans la pierre, dans la lumière tamisée des fenêtres ou dans la courbe des balustrades, appelait encore à la renaissance.

Comment Bernard Legal et son partenaire ont-ils relancé le projet ?

En 2013, Bernard Legal et son compagnon d’aventure, un architecte paysagiste discret mais visionnaire, découvrent le domaine lors d’une visite fortuite. Ce jour-là, la pluie fine tombait sur les graviers, et les rosiers sauvages grimpaient le long des murs comme pour réclamer leur place. C’était un coup de foudre , confie Bernard. On sentait que ce lieu avait une âme, qu’il attendait simplement qu’on l’écoute.

Leur premier geste fut de stabiliser le bâtiment : consolidation des fondations, remise en état de la toiture, sécurisation des ouvertures. Mais très vite, leur ambition dépassa la simple restauration. Ils voulaient redonner à Chantore une vie contemporaine, tout en respectant son caractère historique. Le mot d’ordre ? Cohérence, non reconstruction. On ne cherche pas à copier le passé, explique Bernard. On veut que le présent dialogue avec lui.

Leur approche s’est appuyée sur des matériaux authentiques, des artisans locaux, et une attention scrupuleuse aux détails. Les parquets ont été restaurés lamelle par lamelle, les peintures murales dégagées des couches de repeints successifs, révélant des décors oubliés depuis deux siècles. Le parc, quant à lui, a fait l’objet d’une étude botanique approfondie, afin de comprendre les essences originelles et de les réintégrer progressivement.

Qu’est-ce que la Roseraie apporte au domaine ?

L’inauguration de la Roseraie marque une étape majeure dans la renaissance de Chantore. Conçue comme un hommage à la sensibilité romantique du lieu, elle s’inscrit dans une volonté de créer un espace à la fois esthétique, sensoriel et poétique. Située à l’ouest du château, elle s’étend sur près de deux hectares, organisée en parterres circulaires qui s’inspirent des motifs du XVIIIe siècle, tout en intégrant des variétés modernes résistantes aux climats normands.

La conception a été confiée à Élodie Vasseur, horticultrice spécialisée dans les roses anciennes. Il ne s’agissait pas de faire une collection exhaustive, mais une composition vivante, presque musicale , explique-t-elle. Les variétés choisies — ‘Madame Isaac Pereire’, ‘Charles de Mills’, ‘Comtesse de Murinais’ — évoquent des parfums intenses, des floraisons prolongées, et une palette de couleurs allant du blanc nacré au pourpre profond. Chaque allée porte un nom inspiré de poètes du romantisme : Lamartine, Hugo, Musset.

La rose, c’est l’émotion incarnée , sourit Bernard. Elle fleurit, elle se fane, elle revient. Comme la vie. Et ici, elle dialogue avec la pierre, avec les saisons, avec les visiteurs.

Des bancs en pierre grise, récupérés dans une ancienne ferme du Cotentin, ont été disposés çà et là, invitant à la rêverie. Un petit bassin, alimenté par une source naturelle, reflète les cimes des rosiers à certaines heures du jour, créant des jeux de lumière subtils. Des sentiers en gravier blanc serpentent entre les massifs, permettant une immersion progressive dans cet univers floral.

Quel est le lien entre le romantisme et la restauration du château ?

Pour Bernard Legal, le romantisme n’est pas un simple style décoratif. C’est une posture face au monde. C’est une sensibilité à la mélancolie, à la beauté éphémère, à la nature qui reprend ses droits , dit-il. Cette philosophie imprègne chaque décision prise à Chantore. Les restaurations ne cherchent pas à effacer les traces du temps, mais à les intégrer. Une fissure dans un mur ? Elle est consolidée, mais conservée. Une porte bancale ? Elle est redressée, mais son usure est respectée.

Le parc lui-même est pensé comme un jardin mouvant, en perpétuelle transformation. On ne veut pas d’un musée figé. On veut un lieu vivant, qui respire, qui change avec les saisons et les années. C’est pourquoi certaines zones ont été laissées à l’abandon contrôlé : des clairières où les fleurs sauvages poussent librement, des bosquets où les arbres tombés restent en place, devenant refuge pour les insectes et les oiseaux.

Cette approche a séduit des artistes et des écrivains, attirés par l’atmosphère singulière du lieu. L’an dernier, la poétesse Léa Montfort y a passé une résidence d’écriture. Travailler ici, c’est comme entrer dans un poème en cours d’écriture , confiait-elle dans son journal. Le vent parle aux feuilles, les ombres dessinent des phrases sur les murs. On se sent invité à écouter, plutôt qu’à imposer.

Quel est l’avenir de Chantore ?

Aujourd’hui, le domaine n’est plus seulement un lieu privé. Bernard et son partenaire ont ouvert certaines parties du parc au public, organisant visites guidées, ateliers botaniques et concerts en plein air. L’objectif ? Partager cette renaissance, mais sans sacrifier l’intimité du lieu. On ne veut pas de flots de touristes, précise Bernard. On veut des visiteurs attentifs, respectueux. Des gens qui viennent pour ressentir, pas pour prendre des photos à la chaîne.

Des projets sont en cours : la création d’un sentier pédagogique sur l’histoire des jardins à la française, l’installation d’une micro-résidence d’artistes, ou encore la mise en place de stages de taille de rosiers. Un petit café-boutique, niché dans une ancienne dépendance, devrait ouvrir ses portes l’année prochaine, proposant des produits locaux et des créations artisanales.

Le château lui-même reste en grande partie habité, mais certaines chambres d’amis pourraient être aménagées en chambres d’hôtes haut de gamme, réservées à une clientèle exigeante. Pas de spa, pas de télévision. Juste le silence, la lecture, et peut-être un verre de cidre au crépuscule , plaisante Bernard.

Comment le domaine est-il perçu par la communauté locale ?

Les habitants de Bacilly ont d’abord regardé les nouveaux propriétaires avec une certaine méfiance. On nous prenait pour des Parisiens qui allaient tout bétonner , se souvient Bernard. Mais les mois ont passé, les travaux se sont déroulés dans le calme, avec des échanges réguliers avec la mairie et les associations locales. Des jeunes du village ont été formés à la taille des rosiers, et des ateliers ont été proposés aux écoliers sur la biodiversité.

Marion Le Guen, enseignante à l’école de Bacilly, a emmené ses élèves visiter la Roseraie. Ils ont adoré. Ils ont dessiné les roses, écrit des poèmes, mesuré les pétales. C’est devenu un lieu d’apprentissage vivant.

Le maire du village, Gérard Fléchon, reconnaît aujourd’hui l’importance du projet : Chantore, c’est un atout pour tout le territoire. Ce n’est pas seulement un château restauré. C’est une dynamique culturelle et environnementale.

Quels défis ont été rencontrés au cours de la restauration ?

Les défis ont été nombreux. Le climat humide de la Manche a compliqué les travaux de maçonnerie et favorisé le développement de champignons dans les boiseries. Le financement, aussi, a été un obstacle constant. On a misé sur des subventions, mais surtout sur nos propres moyens , explique Bernard. Chaque euro a été compté.

La plus grande difficulté, cependant, a été de concilier exigence historique et réalité contemporaine. On ne pouvait pas tout refaire à l’ancienne. Il fallait du chauffage, de l’électricité, de l’isolation. Mais sans trahir l’esprit du lieu. Le compromis trouvé : des conduits dissimulés dans les murs d’origine, des systèmes géothermiques enfouis profondément, des fenêtres sur mesure qui imitent les profilés anciens tout en offrant une performance énergétique moderne.

Quelle est la place de la nature dans ce projet ?

La nature n’est pas un décor à Chantore. Elle est un acteur à part entière. Les propriétaires ont refusé de stériliser le parc. Les orties poussent près des allées, les ronces longent les murs, les champignons colonisent les troncs tombés. Ce n’est pas du laisser-aller, c’est une invitation à la cohabitation , insiste Bernard.

Des ruches ont été installées, des nichoirs pour les chauves-souris, des mares pour les amphibiens. Une partie du terrain est en conversion bio, avec un potager qui fournit en grande partie la table du château. On mange ce qu’on cultive, on cultive ce qu’on aime , résume-t-il.

Comment Chantore inspire-t-il d’autres projets de restauration ?

Le domaine attire désormais l’attention de spécialistes du patrimoine. Des étudiants en architecture du paysage viennent y étudier la gestion des jardins historiques. Des propriétaires de demeures anciennes s’inspirent de l’approche de Bernard pour leurs propres chantiers.

Ce qui touche, c’est l’authenticité du geste , analyse Solène Ricard, historienne de l’art. Ils ne cherchent pas à impressionner. Ils cherchent à réhabiliter, avec humilité. C’est rare.

Conclusion

Le château de Chantore n’est pas seulement un monument restauré. C’est une œuvre en cours, un dialogue entre passé et présent, entre homme et nature. Grâce à la vision de Bernard Legal et de son partenaire, ce lieu oublié est devenu une proposition sensible, poétique, profondément humaine. La Roseraie, avec ses parfums, ses couleurs et ses silences, en est l’âme nouvelle. Ici, la beauté n’est pas figée : elle respire, elle grandit, elle s’offre à ceux qui savent l’écouter.

FAQ

Le château de Chantore est-il ouvert au public ?

Oui, certaines parties du parc, notamment la Roseraie, sont accessibles au public selon un calendrier de visites guidées et d’événements saisonniers. Le château lui-même reste en grande partie privé, mais des chambres d’hôtes pourraient être proposées à l’avenir.

Quand a été construit le château ?

Le château de Chantore a été édifié en 1780, à la fin du XVIIIe siècle, durant une période de transition entre le rationalisme des Lumières et l’émergence du romantisme.

Qui sont les propriétaires actuels ?

Le domaine est la propriété de Bernard Legal et de son partenaire, un architecte paysagiste passionné par les jardins historiques. Tous deux ont entrepris la restauration du château et de son parc depuis 2013.

Quel style architectural domine à Chantore ?

L’architecture du château s’inscrit dans un style classique tardif, marqué par des lignes sobres, des ouvertures harmonieuses et une intégration paysagère soignée, typique de la fin du XVIIIe siècle.

La Roseraie contient-elle uniquement des roses anciennes ?

Non, la Roseraie mêle variétés anciennes et modernes, choisies pour leur résistance, leur parfum et leur capacité à s’intégrer dans un cadre historique tout en offrant une floraison durable.

A retenir

Quelle est la philosophie derrière la restauration de Chantore ?

La restauration de Chantore repose sur une approche respectueuse du temps et de la nature. Plutôt que de reconstruire, les propriétaires ont choisi de restaurer avec authenticité, en intégrant les traces du passé et en permettant à la végétation de s’exprimer librement. Le romantisme n’est pas un style, mais une sensibilité qui imprègne chaque décision.